
(Bordeaux) Le Void, plus qu’un souvenir
À Bordeaux, le Void fermera définitivement ses portes le 11 janvier 2021. La pandémie et les difficultés financières ont eu raison de ce haut lieu de la nuit bordelaise. Il n’a pas fallu attendre le couvre feu et le deuxième confinement mettre un terme au « 58 » et son association de bénévoles, qui y faisait vivre la musique alternative. Il ne reste plus qu’à jeter un coup d’oeil dans le rétroviseur des souvenirs.
Par Célia Vallet, étudiante à l’EFJ Bordeaux*
Le Void, c’est fini. Les amateurs de scènes underground et musiques amplifiées disent « adieu » à un des emblèmes de la culture locale. Voisinage peu coopératif, situation financière précaire, pandémie… La salle de concert associative n’aurait pas pu survivre. Pourtant, elle ne manquait pas de renommée. En effet, on n’écoutait pas juste de la musique, dans cette salle souterraine aux lumières tamisées et aux murs placardés d’affiches de concerts.
Du cœur à l’ouvrage
Les groupes de musiques en tout genre sont nombreux à avoir foulé le parquet du Void. La salle était soutenue par ses bénévoles, des passionnés, avec une seule ambition : faire vivre la contre-culture à travers plusieurs de ses incarnations. « Groupes attendus, salle bondée, chaleur à crever. L’ambiance pouvait être chaleureuse comme elle pouvait être froide, mais c’est justement ça la magie des lieux à taille humaine. », se rappelle Olivier, ancien fan. Adoré du public, le Void reste et restera aussi dans la mémoire des artistes. « C’était la rencontre avec un espace de club-cave associatif tamisé rappelant l’esprit des afterparties à l’anglaise, libre de laisser les artistes gérer leur soirée et d’y apporter leur couleur le temps d’un événement », témoigne Seb, qui a lancé sa carrière de DJ aux platines du Void. Des rires, du stress, des larmes, de la sueur… Les membres de l’association s’accordent surtout à parler « d’histoires humaines, et d’instants inoubliables ». Mais l’équipe ne misait pas tout sur la musique. Activités, jeux de société, vernissages, diffusion de films et documentaires attiraient également du monde au 58 rue du Mirail. « C’était la grande réunion des copains ! », résume Adrian, un des fidèles participants.
Embuscades et avenir incertain
En mai 2019, les plaintes du voisinages dégénèrent en arrêté préfectoral, obligeant les bénévoles à procéder à des travaux de mise aux normes, notamment quant à l’isolation acoustique de la salle. « Les gens se plaignaient du bruit. Pour moi, c’est pas un lieu où il faut mettre une salle comme celle-là. Par ailleurs, quand les artistes arrivent, ils bloquent toute la rue pour décharger le matériel de leurs camions. Non, c’était pas adapté ici ! », se souvient un ancien commerçant du quartier. L’appel aux dons lancé tel un SOS par l’association a pourtant été fructueux, sans compter les nombreux messages de soutien. Passé ce premier défi, survient la pandémie, signant l’arrêt de mort du Void.
« Nous sommes dégoûtés », avoue Pierre Antoine, l’un des bénévoles, sans rien ajouter de plus. « C’est toute une partie de la culture bordelaise qui part en éclats. La culture s’est vraiment policée à bordeaux, même dans les arts plastiques, le théâtre etc.. ça s’appauvrit beaucoup depuis des années », compati Géraldine, ancienne habituée des lieux. Qui pour le remplacer ? Le One Person, un bar associatif, ou peut-être les café-concerts comme le Salem ou l’Antidote. « Le void c’était la dernière vraie salle de concert qu’on avait », déplore Adrian, un ancien spectateur.
Grille fermée, affiches déchirées, façade abandonnée. Désormais, seules les feuilles mortes s’entassent sur la devanture de ce lieu iconique. Si l’avenir du groupe de bénévoles semble incertain, le devenir de la salle l’est tout autant.
* Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat entre l’École du Nouveau Journalisme de Bordeaux (EFJ) et Toute la Culture, à la suite d’un atelier de journalisme culturel.
Visuel : ©Célia Vallet.