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La sociologie est un sport de combat

La sociologie est un sport de combat

12 March 2015 | PAR Simon Théodore

Michel Maffesoli, professeur émérite de l’université Paris 5 Descartes et sociologue controversé, a été victime d’un canular. Jean Pierre Tremblay, sociologue imaginé de l’université de Laval (Québec), a lancé un pavé dans le terrain miné de la sphère académique.

Un faux comme déclaration de guerre

Qui aurait cru qu’une simple autolib’ pouvait faire trembler les murs d’un champ académique. À l’origine de ce canular, Manuel Quinon et Arnaud Saint Martin. Avec pour leitmotiv de dénoncer la « junk science » et la pensée maffesolienne, les deux sociologues ont réussi à faire publier le faux texte dans la revue Sociétés, bien connue des chercheurs. Grâce à une fausse enquête de terrain et à quelques photographies prises avec un smartphone, l’enjeu officiel de cette publication fut de penser cette voiture électrique comme le symbole du passage de la modernité à la postmodernité.

autolib' par mariordo

Se camoufler

Afin de réussir leur méfait, il fallait, pour ces deux trouble- fêtes, trouver un individu capable de passer incognito. Ainsi, ils inventèrent le personnage de Jean -Pierre Tremblay, titulaire d’une maîtrise de sociologie à l’université de Laval (Québec). Usant d’un logiciel de lexicométrie, ils ont décelé, à partir d’une base de vingt articles de l’auteur du Réenchantement du Monde, le vocabulaire à utiliser ainsi que les références bibliographiques à soumettre. Héritier de la pensée de Gilbert Durand, la prose de Michel Maffesoli est, à l’image de celle de son maître : incompréhensible pour le profane. « Mythanalyse », « doxologie » , « épistémè » ou encore « monde imaginal » sont autant de concepts difficiles à saisir, tant pour le grand public que pour certains chercheurs. Argumentant sa démonstration, à partir d’ouvrages publiés par les penseurs de la postmodernité, ce « chercheur » québecois s’assura d’insérer son papier dans le champ académique de la revue.

Maffesoli dans le viseur

Ce n’est pas la première controverse autour de cet ancien professeur des universités. En 2001, il avait déjà créé la polémique dans le milieu scientifique en soutenant la thèse de l’astrologue Elisabeth Teissier. Jugée, par nombre de savants, comme non scientifique d’un point de vue sociologique et épistémologique, cet événement provoqua un tollé dans la communauté scientifique. À la suite de cet épisode, ses nominations au conseil d’administration du CNRS et au conseil national des universités furent vivement contestées. Avant de démentir, il fut aussi cité, en 2012, parmi les intellectuels soutenant Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle. Les deux auteurs, affiliés aux universités Paris Diderot et Saint-Quentin-en-Yvelines, soulignent dans un article publié le 7 mars, être parvenus à leurs fins, à savoir ; « démontrer de l’intérieur, en toute connaissance de cause, la fumisterie de ce que nous appellerons le  « maffesolisme » ».

Aussi présent médiatiquement que controversé, Michel Maffesoli s’explique sur la négligence scientifique du comité de relecture : « L’article a été relu deux fois ; un avis a été négatif, l’autre favorable vu le sujet, réservé sur « le côté un peu jargonnant ». S’agissant de la rubrique  « Marges » de la revue, qui accueille des articles très divers, parfois de très jeunes auteurs ou d’auteurs non francophones, avec plus d’indulgence que le « dossier », cet article a été accepté et publié. » .Au final, cette affaire révèle les luttes idéologiques présentes au sein des différents champs académiques, tant en sciences humaines qu’en sciences dites « exactes ».

Visuels : (c) Jérôme Choain
Mariordo

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