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La polémique Sylvie Germain

La polémique Sylvie Germain

06 July 2022 | PAR Cloe Bouquet

Sylvie Germain, après avoir vu un extrait de son ouvrage Jours de colère être soumis aux candidats au baccalauréat, a été insultée sur les réseaux sociaux par les lycéens mécontents.

Un texte jugé trop difficile

On peut d’abord être surpris de la polémique autour de la difficulté du texte de l’autrice en le lisant : comme elle le dit elle-même dans un entretien mené par Alice Develey dans Le Figaro (“(….) “le passage à analyser n’était pas délirant, le vocabulaire était accessible, mais certains se contentent d’un vocabulaire si réduit, riche seulement en insultes et en invectives, que tout écrit un peu élaboré leur est un défi, un outrage.(…)” Des torrents d’insultes de la part de lycéens envers l’autrice ont en effet suivi l’imposition de son texte au baccalauréat.

Un symptôme de la victimisation à outrance

Au-delà de la pauvreté du vocabulaire, de la réflexion ou de l’imagination qu’évoque Sylvie Germain, c’est sans doute ce passage du défi à l’outrage qui est inquiétant, ou plutôt de ce qui est vécu comme défi à ce qui est vécu comme outrage. “Ils veulent des diplômes sans aucun effort, se clament victimes pour un oui pour un non et désignent comme persécuteurs ceux-là mêmes qu’ils injurient et menacent”, continue l’autrice. Démagogie réclamée et parfois obtenue, ou sur le point de l’être : on peut se souvenir que la règle du “10 améliorable”, c’est-à-dire la non-prise en compte des notes en-dessous de 10 aux examens, a failli être appliquée à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne au début de la crise du Covid par la Commission de la Formation et de la Vie Universitaire (CFVU), qui abusait ainsi de son pouvoir, selon le tribunal administratif…

Ce qui peut étonner ensuite, c’est ce déchaînement de violence à l’endroit de Sylvie Germain. Se vivre comme victime “pour un oui pour un non”, comme “génération offensée”, selon le titre éponyme du livre de Caroline Fourest, permet en effet de se donner tous les droits et de devenir impunément le bourreau de son supposé bourreau.

L’anonymat des réseaux sociaux

Ce qui s’est passé soulève également le problème de l’anonymat sur les réseaux sociaux : ces lycéens se permettent des grossièretés voire des menaces d’autant plus facilement qu’ils se sentent (à tort) cachés derrière leur pseudo. “Je ne suis qu’un prétexte, je ne me sens pas concernée personnellement”, précise Sylvie Germain. C’est en effet à des avatars, et jamais à des personnes de chair et d’os, que l’on s’adresse exclusivement en ligne. Seulement, les personnes sont bien là et l’injure publique et les menaces de mort, des délits, contrairement à l’écriture d’un roman (faut-il le préciser). “C’est grave que des élèves qui arrivent vers la fin de leur scolarité puissent montrer autant d’immaturité, et de haine de la langue”, dit Sylvie Germain : ce sont aussi des citoyens majeurs, ou bientôt, qui font preuve de haine tout court, et dont l’autrice n’est que le “prétexte”. Un énième événement qui permet de rappeler la différence entre le tribunal juridique et le tribunal populaire (qui ne devrait avoir aucune valeur), l’injustice et le caprice, l’offense et l’exigence, et la responsabilité indéfectible qui incombe aux jeunes qui tiennent de tels propos.

On peut au moins espérer que cette polémique augmente la notoriété et le nombre de lecteurs d’une autrice talentueuse.

Visuel © Sylvie Germain en 2019. Wikipedia.

 

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