Opéra
« Tosca » de Puccini au Liceu de Barcelone : Pasolini chez Puccini, vraiment ?

« Tosca » de Puccini au Liceu de Barcelone : Pasolini chez Puccini, vraiment ?

06 January 2023 | PAR Julien Coquet

Déjà présentée dans d’autres salles, la Tosca de Rafael R. Villalobos a créé quelques remous dans le public. Un très bon plateau vocal a sauvé la soirée.

Jour de première, mercredi 4 janvier 2023, au Gran Teatre del Liceu de Barcelone, pour cette Tosca signée Rafael Villalobos, qui a déjà tourné dans plusieurs salles européennes (Bruxelles, Montpellier…). Celle par qui arrive le scandale, c’est la mise en scène : copieusement huée lors de ces précédentes présentations, elle aurait même conduit Roberto Alagna et Alexandra Kurzak à renoncer à venir chanter à Barcelone (remplacés ici par Michael Fabiano et Maria Agresta). Quoiqu’il en soit, cela n’a pas manqué : l’ouverture muette du deuxième acte avec une scène de drague homosexuelle est copieusement huée et, lors des saluts, le metteur en scène en prendra également pour son grade.

À vrai dire, Rafael R. Villalobos cherche à tout prix à faire rentrer un cylindre dans un carré : la fin de carrière de Pasolini (notamment Salo ou les 120 Journées de Sodome et son assassinat en novembre 1975 sur la plage d’Ostie) dans le livret de Tosca. On peut comprendre que certains parallèles puissent être faits : la cruauté de Scarpia se rapproche de celles des fascistes dans Salo, Cavaradossi est tout comme Pasolini un artiste, etc. Mais les idées sont surlignées avec une telle finesse que l’on sort exaspéré d’un tel spectacle (l’immense tableau représentant Judith et Holopherne après le meurtre de Scarpia par Tosca, le petit résumé explicatif de l’assassinat de Pasolini avant le début du troisième acte). Comme l’écrivait Paul Fourier sur ce site lors de la création de la production au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles en juillet 2021 : « le procédé se révèle artificiel et, nous rappelle, à cette occasion, que si Tosca est traditionnellement représentée de manière classique ou sobrement actualisée, la raison en est que sa puissance est intrinsèque et n’a nul besoin d’ajout pour s’épanouir. »

Côté fosse, la direction d’Henrik Nánási reflète bien la partition de Puccini, entre joies primesautières du premier acte et tensions infernales au second acte. On pourra regretter par contre parfois un volume orchestral un peu trop élevé, qui couvrira plusieurs fois la voix de Maria Agresta. On déplorera d’avoir gardé les chœurs en coulisse, notamment pour toute la fin spectaculaire du premier acte.

Ce qui émane du plateau vocal semble d’une grande simplicité. Chaque soliste semble à son aise, connaissant la partition sur le bout des doigts. Malgré une interprétation surjouée, Maria Agresta défend une Tosca vivante, à la voix parfois un peu frêle mais dont on peut louer les nuances, avec notamment un début de « Vissi d’Arte » très piano. Michael Fabiano est Cavaradossi : nous ne pouvons que louer sa prestation. Une projection solide, une suavité dans la voix nous permettent de comprendre pourquoi Tosca est folle amoureuse de ce peintre. Dernier personnage du trio infernal : le Scarpia campé par  Željko Lucic ne nous a malheureusement pas fait assez peur.

Tosca de Giaccomo Puccini le mercredi 4 janvier 2023 à 19h au Gran Teatre del Liceu (Barcelone). Direction musicale de Henrik Nánási et mise en scène de Rafael R. Villalobos.

Crédit photo : © Karl Forster

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Julien Coquet

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