
« Multiple-s », un spectacle du danseur burkinabé Salia Sanou
Au Festival d’Avignon, trois face-à-face successifs du danseur Salia Sanou avec la danseuse Germaine Acogny, l’écrivaine Nancy Huston et le musicien et chanteur David Babin, se déroulent dans le cadre de la « cour minérale » de l’ancien hôpital de Sainte-Marthe, aujourd’hui université de l’antique cité pontificale.
La puissante personnalité de la danseuse Germaine Acogny et sa présence malicieuse, la grâce délicate et la détermination de l’écrivaine Nancy Huston, le toucher de piano infiniment subtil et la voix douce du musicien David Babin (Babx) : c’est ce que l’on retient du spectacle du danseur burkinabé Salia Sanou, lui qui semble vouloir s’expliquer à lui-même qui il est, ce qu’il est devenu, à travers trois confrontations avec des figures qui sans doute l’ont beaucoup marqué.
On passe sur le titre, « Multiple-s », titre qui a un sens, certes, mais qui est immédiatement agaçant par cette affectation née de l’écriture dite inclusive. « Multiple » ou « Multiples » eut été suffisant et clair. Mais pour sacrifier à une mode imbécile dans laquelle se précipitent ceux qui se posent comme des novateurs, comme des gens éclairés fortement ancrés dans l’esprit du temps (et ils foisonnent dans le monde culturel toujours en recherche de postures nouvelles), Salia Sanou a cru sans doute devoir sacrifier à cette tendance. Et c’est dérisoire.
Que reste-t-il donc de ces trois dialogues qui se veulent interdisciplinaires ? Le charisme des protagonistes qu’a choisi Sala Sanou. Mais ce qui les lie au danseur burkinabé est à peine esquissé, peu compréhensible, si mal défini qu’on en vient à se demander à quoi rime cet exercice qu’on pourrait imaginer n’être qu’un faire valoir pour l’auteur du spectacle si on ne le croyait malgré tout sincère dans sa démarche.
Ce qui se déroule sur scène est souvent si enfantin, si vain, si peu convaincant, ces complicités paraissant ne relever que du domaine de l’intime offrent si peu d’intérêt pour un regard extérieur, que bien vite, malgré ces trois figures aux indéniables qualités et qui toutes trois sont infiniment séduisantes, on en vient à s’ennuyer mortellement.
La conception de Salia Sanou, dont on se rappelle, admiratif, le beau duo élaboré avec Seydou Boro au cours duquel on les découvrit naguère à Luanda, en Angola, au moment de la toute première édition des Rencontres inter africaines de danse contemporaine, la conception du spectacle de Salia Sanou est décidément bien indigente. Lui-même beau danseur, il n’y fait pas montre de ses propres qualités.
Les protagonistes de « Multiples » ont-ils conscience de la légèreté de l’ouvrage ? On ne saurait le dire. Mais il se trouve pourtant des spectateurs, et c’est déconcertant, pour accabler de louanges une production qui est à l’image de bien des réalisations d’aujourd’hui : douloureusement insuffisante.
« Multiple-s » : Les 8, 9, 11, 12, 13 et 14 juillet 2019 à 22h. Cour minérale de l’Université d’Avignon. Festival d’Avignon.
Puis au Festival international des Arts de Bordeaux le 16 octobre 2019 ; à l’Espace Malraux de Chambéry, les 21 et 22 janvier 2020 ; au Kiasma de Castelnau-le-Lez, les 30 et 31 janvier ; au Pôle Sud de Strasbourg , les 4 et 5 février ; à l’Avant-Scène de Cognac, le 28 mars ; au Moulin du Roc, à Niort, le 31 mars ; au Grand R de La Roche-sur-Yon, le 12 mai ; à la Scène nationale de Brive et Tulle, le 15 mai ; au Théâtre de Chaillot, à Paris, du 23 mai au 4 juin 2020.
visuel : Multiple-s © Laurent Philippe