
On dit oui à NO de Pablo Larraín
Format image : 1.37-Format de projection : 1.85. C’est ce qui s’appelle avoir les moyens de sa politique. Quelle belle idée que la suivante : nous plonger dans la campagne qui opposa le oui et le non à la “réélection” de Pinochet en 1988 à l’aide d’une pellicule et d’époque. No de Pablo Larraín fait de nous des militants pour la démocratie. On dit Oui à NO !
Gael García Bernal est René, un jeune publicitaire un peu requin aux formules de com’ toutes faites et efficaces. “Ce que vous allez voir est en lien avec le contexte social actuel du pays”. Mais voilà que sous la pression internationale, le dictateur Chilien Augusto Pinochet est contraint d’organiser un référendum. Le bourreau se fait prendre à son propre piège en autorisant les deux camps, le “Si” et le “No” à occuper quinze minutes d’antenne chaque jour. René est séparé d’une militante d’extrême gauche tandis que son patron lui, copine avec le pouvoir. Il faudra peu de temps aux dirigeants de l’opposant pour convaincre le beau communicant de concevoir la campagne qui fera basculer l’histoire. Les belles formules vont passer du soda “free” au prix du pain.
Nous devenons spectateurs acteurs d’une mutation. Nous entrons dans les rouages de la réflexion. René Saavedra revient d’un exil au Mexique, il a vu la démocratie ailleurs. Il sait comment faire passer un message politique, comment inscrire durablement un message. Ici, pas de chants partisans mais un jingle entêtant “Chile la Alegria ya viene” (Chili, que la joie vienne demain), pas de noirceur mais un arc en ciel surplombant un No, peu d’images d’exactions, plutôt des danseurs bouffant le bonheur d’avaler la scène. Quand le camp du oui veut les ridiculiser, lui tourne cela à son avantage, enseignant au chili qu’en matière de communication, tout ce qui importe, est qu’en bien ou en mal, on parle de vous ! Exister, tel est l’enjeu de cette campagne folle. Un mois, un mois seulement pour abattre 15 ans, 2 mois et 24 jours de dictature. Un mois que nous vivons pleinement, de la fabrication des clips au dépouillement des votes. On se prend au jeu, on oublie que l’on sait ici lire l’avenir. On tremble à l’idée que le No perde. La lutte est belle, elle est joyeuse et si en plus elle efface les horreurs, elle n’est pas angoissante. La campagne va jouer la carte des valeurs universelles contre les réussites économiques du régime, et avec le sourire ! Alors on tremble quand on comprend que cela peut basculer, quand les militaires rodent et que nos militants sont menacés dans leurs familles même. David contre Goliath, le peuple contre l’armée. Cette fois, ça finira bien.
Le film fonctionne à merveille car la proposition est pertinente : Pablo Larraín grâce à son image carrée fait fusionner les images d’archives et la fiction. A l’instar d’Harvey Milk ou d’Argo, il joue sur le trouble de la confusion. C’est au travers d’une bataille de clips de de campagne que l’on voit le “vieux con” tomber. Réjouissant en somme… Il faut oublier la politique pour vendre du rêve. Ne pas montrer les morts, montrer la joie. L’arc en ciel sera présent jusque sur le bulletin de vote.
Mais attention Pablo Larraín n’est pas dupe, les images grésillent, le rêve est de pacotille. Oui la dictature tombera à la fin du film, on connait l’histoire, la vraie, mais les lendemains joyeux seront fragiles. En témoigne le regard bleu triste du formidable Gael García Bernal.
Réjouissant !
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