Cinema

La couleur des sentiments : Un mélo caricatural

03 November 2011 | PAR Margot Boutges

The help (2009), immense succès littéraire Outre-Atlantique signé Kathryn Stockett, a rencontré la caméra de Tate Taylor en un temps record. Cette couleur des sentiments livre une approche des plus sirupeuses de l’Amérique ségrégationniste des sixties.

Années 1960. Skeeter, 23 ans, vient d’obtenir son diplôme et retourne au bercail, à Jackson, Mississippi, où elle obtient un poste de rédactrice pour la rubrique des tâches ménagères du journal local. Une perspective peu excitante pour cette jeune femme qui rêve d’une grande carrière de journaliste/romancière. En regardant autour d’elle, ses yeux plein d’idéaux s’arrêtent sur les bonnes noires qui ont élevées les enfants blancs de sa génération. La ségrégation bat en effet son plein dans cet état des États-Unis tandis que la lutte pour les droits civiques commence à résonner. Skeeter s’engage alors dans un combat dangereux : donner la parole à ces femmes de l’ombre au travers d’un recueil de témoignages.

Le titre français du film, La couleur des sentiments, ne laisse rien ignorer de la marchandise : un pur mélo qui remplit le cahier des charges standard, jouant à la fois la carte de l’indignation et de l’émotion. Un film qui ne fait pas exactement dans la dentelle et qui fonctionne sur des antagonismes. Dans cet univers de femmes, il y a les « gentilles » chez qui s’épanouissent toutes les vertus et les « méchantes » porteuses de tous les vices.

Les jeunes maîtresses de maisons, menées tambour battant par l’odieuse Hilly (Bryce Dallas Howard, détestable et grimaçante) forment un groupe de harpies tirées à quatre épingles qui préfèrent jouer au bridge plutôt que d’apporter un peu de tendresse à leurs enfants. Elles s‘opposent à leurs domestiques noires conduites par Aibileen et Minny, figures émouvantes et maternelles. Ces Barbie femmes au foyer, oisives et à la coiffure pétrifiée trouvent également leur contrepoint en Skeeter (Emma Stone, tantôt enthousiasmante, tantôt agaçante) qui incarne la jeune femme moderne, éduquée, carriériste, célibataire et à la chevelure récalcitrante.  Leur puritanisme et leur froideur de femmes bourgeoises est également sans pitié pour l’attachante Célia, jeune écervelée issue d’un milieu populaire aux mœurs (prétendues) légères. Ici, c’est chacun(e) son camp. Les rôles sont fermement délimités et les petites échappés sont rares. La mère de l’héroïne campée par la formidable Allison Janney (Juno, Away we go) apporte toutefois un peu d’ambiguïté dans ce schéma caricatural.

Ce traitement manichéen répond cependant à une situation ségrégationniste qui n’admettait que peu les nuances. L’Etat du Mississippi pratiquait ainsi une stricte séparation entre « white » et « colored » même si cette barrière n’était pas dénuée de contradictions. Si les domestiques noires n’avaient pas le droit d’utiliser les mêmes toilettes que leurs maîtres blancs, ces derniers leur confiaient le soin d’élever leurs enfants. Des enfants que ces mères privées de leur propre progéniture finissent par aimer comme les leurs. Les échanges entre Aibileen (admirable Viola Davis) et la petite fille dont elle a la charge constituent sans conteste les moments les plus émouvants du film.

La couleur des sentiments se complait ainsi dans une certaine facilité en se frottant à des thématiques inaltérables et des combats institutionnalisés. La lutte contre le racisme, l’émancipation des femmes, le courage, la dignité défilent tels un cortège de valeurs le temps d’un film qui laisse le spectateur à une fin en forme de lendemains plein d’espoir. Mais celui-ci pourra apprécier, à l’ère d’Obama, le chemin parcouru depuis 50 ans.

La couleur des sentiments (The help), de Tate Taylor, avec Emma Stone, Viola Davies, Ocatavia Spencer, Bryce Dallas Howard, Jessica Chastain… USA, 2011, 2h30

Sortie le 26 octobre 2011

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