
Jérusalem Plomb durci, la révélation du festival Impatience
Un voyage à Jérusalem, ville mythique, où tous les paradoxes se mêlent, c’est ce à quoi Ruth Rosenthal et Xavier Klaine vous invitent. “Jérusalem plomb durci” est un spectacle réussi sur un sujet sensible où en 55 minutes, le collectif Winter Family arrive à résumer la ville sans jamais tomber dans une facilité ou un stéréotype. Présenté dans le cadre du festival impatience, les deux lauréats 2010 du programme Villa Médicis-Hors les murs offrent ici un spectacle à l’équilibre fragile qui jamais ne s’effondre.
Sur un grand écran, un défilé militaire commence, autour des soldats passent des civils, joyeux. Nous nous trouvons à un moment très important de l’année israélienne, la double célébration de Yom Hazikaron et Yom Hatsmaout. Ces deux jours résument bien le propos du spectacle. Yom Hazikaron est le jour du souvenir, véritable deuil national où le pays s’arrête le temps d’une sirène. Le lendemain, Yom Hatsmaout célèbre dans une joie immense la création de l’Etat. Des larmes et des joies exacerbées c’est ce que Ruth Rosenthal raconte.
Jérusalem nous parvient par le son, celles des alarmes omniprésentes dans la ville, quand sonne le shabbat, les attentats ou les craintes de la police. On entend la voix des soldats dans une schizophrénie intense où la guerre devient le temps d’une journée un spectacle, karaoké géant et stars locales à l’appui dans des Show à l’américaine.
La performeuse, seule en scène, interagit avec la vidéo immense, refaisant jusqu’à l’épuisement les mouvements fondateurs de sa culture. La transmission de l’identité israélienne passe par un placement du corps où de brefs gestes en racontent beaucoup: démarche militaire, danses traditionnelles, allumage des bougies du vendredi soir, visage crispé lors de la lecture des noms des Juifs morts pendant la Shoah.
Nous voyons une ville, pierre d’achoppement de toutes les négociations être ici en tension permanente entre les attaques lancées et reçues. Nous entendons de façon ironique s’égrainer les noms très poétiques des opérations militaires menées contre les palestiniens. “Les raisins de la colère”, “plomb durci”…Ruth Rosenthal dénonce autant qu’elle défend. Le drapeau omniprésent, à la fois, pour elle symbole d’oppression lorsqu’elle voit le Mur de séparation, et emblème d’espoir écorché quand elle entonne l’hymne national, la Hatikhva.
Le spectacle offre une distance avec l’actualité en revenant sur l’histoire du pays par le biais des résolutions onusiennes numérotées et datées. Le spectacle a été créé en 2008, année de commémoration de la réunification de Jérusalem. Du haut de ses 34 ans, la jeune femme raconte l’existence d’une génération qui ne connait la vie qu’à travers la guerre.
Jérusalem Plomb Durci est un cri de lutte pour un retour à la normalité. Ruth Rosenthal condamne avec amour cette « ville d’or » «plombée durement », et l’on se prend à rêver avec elle à la fin des conflits et la possibilité pour deux peuples de vivre loin de l’obsession sécuritaire omniprésente si bien décrite ici.
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