Théâtre
Fassbinder à Berlin : le portrait d’une jeunesse en crise

Fassbinder à Berlin : le portrait d’une jeunesse en crise

07 February 2017 | PAR Nicolas Chaplain

Au Deutsches Theater de Berlin, Jessica Glause met en scène un groupe de onze jeunes dans Katzelmacher (le Bouc), une pièce écrite par Rainer Werner Fassbinder en 1968 et pourtant terriblement actuelle.

Fassbinder dresse le portrait de jeunes gens désabusés dont l’arrivée d’un immigré grec cristallise les peurs, attise les rumeurs, déchaîne la haine et révèle leurs fantasmes. Onze adolescents interprètent les mots de Fassbinder et à travers eux le malaise, les symptômes d’une génération inerte et désœuvrée qui s‘ennuie. Dans l’espace imaginé par Jil Bertermann, un toit d’immeuble, ils boivent, se disputent, écoutent de la musique avec leur portable, font du sport, courent et dansent pour se défouler. Derrière eux, un ballon s’envole dans le ciel, métaphore d’une illusion d’évolution, de liberté et d’amour. Même le cœur dessiné au sol à la craie par Marie sera effacé par la pluie.

Stéphanie Amarell, Lorin Brockhaus, Chenoa North-Harder, Henry Schlage, Annie Nowak, Fabiola Kuonen, Emil Kollmann, Lina Bookhagen, Maximilian Diehle, Patrick Nadler et Katrin Kats sont tous convaincants. Chacun défend sa partition avec aisance et audace, talent et sincérité. Tous manifestent une fraîcheur singulière, une spontanéité troublante et un plaisir de jouer contagieux. Leurs voix portent avec clarté les questions liées à la jeunesse, à l’avenir, au travail, à la chance, à la célébrité, etc. Pourtant le choix de les « déguiser » avec des costumes bariolés, des tenues caricaturales et des perruques parait problématique. Représentés ainsi, ils ne sont que les clichés d’eux-mêmes tant les traits sont grossis et il semble que la représentation aurait gagné en puissance et en intérêt si ces jeunes avaient assumé, tels qu’ils sont, les interrogations autour de la démocratie et des minorités insufflées par Fassbinder.

Jessica Glause s’intéresse au fonctionnement de ces individus en mutation et observe les violences quotidiennes, les jalousies, les désirs naissants qui existent à l’intérieur du groupe. Elle choisit également de ne pas incarner sur scène le rôle de l’étranger, Jorgos, que campait Fassbinder lui-même dans son film en 1969. Jorgos est ainsi un être invisible, placé derrière le quatrième mur et c’est tournés vers le public que les personnages s’adressent à lui. La scène de lynchage à travers laquelle les jeunes expriment avec fureur leur colère, leur ignorance, leur détestation de la société et des différences est ici une bataille virtuelle à coups de manettes de jeux vidéo. On perd alors la portée corrosive de la pièce.

Au Deutsches Theater de Berlin, le 6 février 2017. © Arno Declair

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