Fictions
« A la mesure de l’univers » de Jón Kalman Stefánsson : Saga islandaise

« A la mesure de l’univers » de Jón Kalman Stefánsson : Saga islandaise

14 June 2017 | PAR Julien Coquet

Dans la deuxième partie de sa chronique familiale qui s’étend sur trois générations, l’écrivain islandais Jón Kalman Stefánsson continue de faire un portrait fascinant de l’île aux pêcheurs.

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On sait à quel point l’Islande est peu peuplée: 337 610 habitants en 2016, soit 3,2 habitants au km². Pourtant, l’île peut se targuer d’héberger deux écrivains qui comptent dans le paysage de la littérature contemporaine : l’écrivain de polars Arnaldur Indridason et Jón Kalman Stefánsson. Ce dernier, peu connu du grand public, a tout de même reçu le prix du meilleur roman étranger en 2015 attribué par le magazine Lire pour son roman D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds, dont A la mesure de l’univers est la suite.

Ari, ex-écrivain et maintenant éditeur, revient dans la ville où il a grandit, Keflavik. Il rend visite à son père qui n’a jamais compris pourquoi son fils passait temps de temps à écrire. Ari, perdu, se remémore au fil de ses rencontres sa jeunesse. Mais le talent de Jón Kalman Stefánsson ne s’illustre pas seulement à travers un des lieux communs de la littérature (l’écrivain qui revient sur les traces de son passé).

La grande force d’A la mesure de l’univers est de mener une réflexion sur la transformation de l’Islande à travers trois générations d’une même famille, du pêcheur Oddur à son petit-fils Ari, en passant par Pordur, le fils qui rêve de devenir poète. Car une chose relie tous les membres de la famille : la poésie, qu’elle repousse ou qu’elle fascine, irrigue le texte. Par des allers-retours incessants entre « aujourd’hui » et « jadis », l’auteur islandais dépeint aussi la douleur qu’il y a à fonder une famille et les doutes qui habitent les personnes sur les choix qu’ils doivent effectuer (quitter ou non les fjords pour un hypothétique avenir meilleur).

Le roman de Jón Kalman Stefánsson n’est certes pas très joyeux mais le regard du romancier sur ses personnages n’est jamais misérabiliste. Ceux-ci ont toujours la possibilité d’un choix, même sur une petite île où le vent souffle constamment. Enfin, soulignons la magnifique langue : si une chose peut bien faire face à l’âpreté de la nature, c’est la littérature.

« Pordur a écrit des poèmes.

Il n’y a pas de quoi en faire toute une histoire.

Pendant des siècles, les gens ont écrit des poèmes ici, loin au nord de l’Atlantique, parfois avec passion, sans se laisser décourager par le labeur incessant, l’alimentation monotone, les habitations sombres et humides, l’étroitesse de la société. Ils ont composé des poèmes comme s’il en allait de leur santé mentale, comme si c’était une question de vie ou de mort, ou à tout le moins de dignité. »

Jón Kalman Stefánsson, A la mesure de l’univers, Editions Gallimard, « Du monde entier », 448 pages, 22€

Date de parution : 6 avril 2017

Visuel : Couverture du livre

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Julien Coquet

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