BD
Le livre des livres de Marc-Antoine Mathieu

Le livre des livres de Marc-Antoine Mathieu

20 December 2017 | PAR Mathias Daval

Le “Livre des livres”, nouvel opus du dessinateur Marc-Antoine Mathieu, publié chez Delcourt, est un exercice de style entre beau-livre et travail oulipien. Un projet expérimental aussi radical que vertigineux.

Depuis les premières aventures de Julius-Corentin Acquefacques au début des années 1990, Marc-Antoine Mathieu ne cesse d’explorer les confins de la bande dessinée, défrichant des formes nouvelles au service d’un fond volontiers métaphysique. Avec “Le Livre des livres”, on sort définitivement du narratif : nous voilà confrontés à 26 fausses couvertures de BD, soit disant rescapées de l’incendie d’une bibliothèque de Babel contenant l’intégralité des “albums imaginaires en attente de leur récit”. Dans ce grand jeu de détournement appuyé sur une esthétique borgésienne, la proposition de Mathieu est aussi légère que sérieuse : c’est d’abord une parodie de style des grands éditeurs de livres et de BD ; mais surtout autant de portes entrouvertes sur des espaces-temps à la Schuiten et Peeters, si évocateurs qu’on aimerait qu’ils constituent de véritables albums. A l’instar de ce “Songe d’une nuit d’E.T.”, illustré par une pluie… d’extraterrestres.

Car le “Livre des livres” n’est pas qu’une énième ode à la créativité des formes, au surréalisme et à l’imagerie absurde. C’est aussi un hommage à la bande dessinée et à ses auteurs ; ainsi la planche “4367 auteurs en quête de lisibilité” comporte-t-elle un texte allographique que l’on pourra s’amuser à décrypter : “(…) guides de l’île-art s’épient, gueulent, mânes (…)” : on aura reconnu Guy Delisle et Art Spiegelman. Mathieu, pour parodier sa propre parodie de son “Observatoire des sciences molles et dures”, travaille à la “dénormalisabilité du Vrai”. Et à l’heure de l’ère documentaire et de la fiction réaliste, comme il est précieux ce travail de décalage du réel !

Le Livre des livres, de Marc-Antoine Mathieu, éditions Delcourt (novembre 2017), 50 p., 27,95 €

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Mathias Daval
Journaliste culturel et ludique, membre de la fédération nationale des critiques de la presse française, il est également game designer et éditeur.

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