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Police Fédérale Los Angeles: Reprise du plus grand polar des années 80 !

Police Fédérale Los Angeles: Reprise du plus grand polar des années 80 !

03 January 2017 | PAR Gregory Marouze

Pour cette rentrée 2017, Toute La Culture revient sur une reprise incontournable, à voir et revoir toutes affaires cessantes : Police Fédérale Los Angeles ! Le polar culte de William Friedkin (The French Connection, L’Exorciste) ressort dans une copie numérique restaurée en 4K – supervisée par William Friedkin en personne ! -. Toute La Culture ne pouvait décidément pas passer à côté de la reprise du plus grand polar des années 80 !

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Lorsqu’il réalise Police Fédérale Los Angeles en 1985, William Friedkin n’est plus depuis bien longtemps le « Wonder Boy » célébré pour ses triomphes de The French Connection (1971) et L’Exorciste (1973). Ceux qui ont pu lire son étourdissante autobiographie (Friedkin Connection : Les mémoires d’un cinéaste de légende aux Editions de La Martinière) savent à quel point Friedkin, étourdi par Oscars, récompenses, triomphes publics et critiques, est devenu imbuvable. Il le reconnaît lui-même avec beaucoup d’honnêteté: son melon est énorme ! Il est un artiste de génie, qu’aucun être humain n’est en droit de contrarier. Il est “Dieu” !

Sauf que “Dieu” va connaître une série de déconvenues. Sorcerer (titre français : Le Convoi de la peur) son interprétation du film de Clouzot Le Salaire de la peur – et adaptation du roman de Georges Arnaud au titre éponyme – sort en 1977 en pleine Star Wars mania. Le bide est absolu !

Le tournage de Sorcerer (infernal) s’est éternisé, le budget a explosé. Friedkin fut imbuvable sur toutes les étapes de fabrication du film – on n’est pas loin des futurs délires de Coppola sur Apocalypse Now (1979) et de Cimino sur La Porte du Paradis (1980) -.

S’ensuivent pour William Friedkin une séries de fours monumentaux : Tête vides cherchent coffre-plein (1978) avec Peter Falk, Cruising (1980) polar sur fond de sadomasochisme homosexuel interprété par Pacino (tournage compliqué avec la Star et scandale des associations gay qui y voient un film homophobe), Le Coup du Siècle (1983) qui traite de l’Irangate et n’intéresse personne !

Bref, Friedkin est totalement largué, à la ramasse, plus personne ne veut de lui. Il est quasi déjà un paria. Et ce sera encore pire après la sortie de Police Fédérale Los Angeles !

C’est le producteur Irv Levin qui finance ce film, persuadé d’avoir commis une erreur monumentale en ne produisant pas The French Connection.

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Police Fédérale Los Angeles s’inspire de To Live and Die in L.A., roman autobiographique de Gerry Petievich, agent secret durant 19 ans, ayant protégé Présidents des Etats-Unis et poursuivi de faux-monnayeurs.

De ce bouquin, Friedkin veut tirer un grand polar. Une référence qui sera aux années 80 ce qu’a été The French Connection pour les années 70 ! Mais comment y parvenir sans se répéter ? Le cinéaste opte pour un polar autant stylisé que The French Connection était réaliste, brut de décoffrage.

N’oublions pas que les 80’s voient l’explosion des vidéos-clips, de la chaîne musicale MTV , que les yuppies sont rois, que Reagan est le maître du monde.

Forcément, le look des films et séries TV US s’en trouve bouleversé. Tout est plus clinquant. Michael Mann crée Miami Vice en 1984: série où les flics sont fringués en Giorgio Armani, habitent dans des lofts pharaoniques, et dont la BO est constituée des titres affreux de Phil Collins et autres fossoyeurs de la musique pop. La série marque tout de même durablement les esprits car son ton est  révolutionnaire. En 1986, Mann signe le splendide Manhunter (première apparition de Hannibal Lecter au cinéma). On ne peut décemment plus tourner un polar en 1987 comme on le faisait en 1971. Cela, Friedkin l’a bien compris !

Il fait appel à Robby Müller – chef-opérateur autrichien de Wenders sur Paris Texas – afin de styliser l’image de Police Fédérale Los Angeles. William Friedkin engage le groupe britannique de Pop-New Wave Wang Chung pour signer la musique de son film. On peut sans doute voir dans ces choix de William Friedkin l’influence de Michael Mann.

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Il n’empêche : Friedkin réalise un polar et film noir qui ne ressemble à aucun autre ! Alors que ses camarades font tourner des Stars, le réalisateur engage deux acteurs peu connus pour incarner ses flics : William Petersen (qui sera aussi du Manhunter de Mann, et deviendra le Grissom des Experts) et son pote John Pankow. Côté méchant, c’est le vénéneux Willem Dafoe qu’on retrouve dans la peau de Rick Masters: faux-monnayeur magnétique du film (après le tournage, Friedkin s’est amusé à dépenser les faux billets utilisés par Dafoe). D’autres grands acteurs sont de la partie : Dean Stockwell et John Turturro !

Qu’est-ce qui différencie Police Fédérale Los Angeles des autres polars et en fait une pierre angulaire du genre ?

Si Police Fédérale ne rencontre aucun succès à l’époque de sa sortie et signe la mort artistique du cinéaste pour plusieurs années avant sa résurrection, il n’en demeure pas moins une expérience « traumatisante » pour les spectateurs qui le découvrent !

Déjà, le film contraste sa photographie lumineuse par une grande noirceur  ! Un peu à l’opposé des Outrenoirs du peintre Pierre Soulages (qui fait naître la lumière de ses peintures charbonneuses), Friedkin fait surgir le noir de la lumière ! C’est assez neuf et révolutionnaire pour un polar de cette époque. Ça le demeure aujourd’hui ! Beaucoup de scènes d’ambiance et d’action de Police Fédérale Los Angeles sont diurnes, alors que la tradition du film noir impose depuis toujours des ambiances nocturnes.

Une poursuite à pieds se déroule en pleine journée. Tout comme la poursuite en voitures d’anthologie du film (la plus grande de l’Histoire du cinéma?) qui surpasse celle – légendaire – de The French Connection (mais Friedkin aurait-il tourné Police Fédérale s’il n’y avait pas vu ce défi personnel?)

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Surtout, Friedkin impose dans son script un twist courageux, complètement barge, que nous ne dévoilerons pas pour ne pas gâcher le plaisir de ceux qui n’ont pas vu le film. Quand on revoit Police Fédérale aujourd’hui, on se dit que le Friedkin avait de sacrées “corones”. Tout comme ses producteurs ! On peut d’ailleurs voir dans ce retournement de situation incroyable, l’une des raisons de l’échec commercial du film au box-office…

Pour son rythme, son intelligence, son culot, l’ambiguïté sexuelle de ses personnages, la force de sa mise en scène, la direction artistique de Lily Kilvert, la musique de Wang Chung, Police Fédérale Los Angeles s’impose comme le plus grand polar des années 80. Peu de films du genre (à part en 1992, le Heat de Michael Mann et L’Impasse de Brian De Palma en 1993) ont atteint une telle force cinématographique.

Depuis, le grand Bill Friedkin est revenu aux affaires en signant les indispensables autant que déjantés Bug (2007) et Killer Joe (2012) ! Toujours vert, irrévérencieux et rock’n’roll, Friedkin annonce à 81 ans des séries dérivées de Police Fédérale Los Angeles et Killer Joe ! Aurant vous dire qu’à Toute La Culture, on en trépigne à l’avance.

Grégory Marouzé

Police Fédérale Los Angeles (To Live and Die in L.A.) Etats-Unis, 1985, Policier, 116 min, DCP VOSTF

Sélectionné à CANNES CLASSICS 2016 

Sortie le 4 janvier 2017

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Gregory Marouze
Cinéphile acharné ouvert à tous les cinémas, genres, nationalités et époques. Journaliste et critique de cinéma (émission TV Ci Né Ma - L'Agence Ciné, Revus et Corrigés, Lille La Nuit.Com, ...), programmation et animation de ciné-clubs à Lille et Arras (Mes Films de Chevet, La Class' Ciné) avec l'association Plan Séquence, Animateur de débats et masterclass (Arras Film Festival, Poitiers Film Festival, divers cinémas), formateur. Membre du Syndicat Français de la Critique de Cinéma, juré du Prix du Premier Long-Métrage français et étranger des Prix de la Critique 2019, réalisateur du documentaire "Alain Corneau, du noir au bleu" (production Les Films du Cyclope, Studio Canal, Ciné +)

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