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“La mécanique de l’ombre”, plongez au coeur des services de renseignement !

“La mécanique de l’ombre”, plongez au coeur des services de renseignement !

29 December 2016 | PAR Magali Sautreuil

Le 11 janvier prochain sort sur grand écran « La mécanique de l’ombre », un film d’espionnage made in France qui n’a rien à envier aux blockbusters étrangers habituels. Pour un premier film, Thomas Kruithof place la barre très haut. Il vous transporte durant près d’1h30 au plus près de la réalité des services secrets. Petit à petit, vous découvrirez les rouages d’une mécanique bien rôdée.

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L’histoire

Tout commence deux ans auparavant avec monsieur Duval. Duval, quel nom plus quelconque que celui-ci. Il sied particulièrement bien à ce petit comptable qui travaille pour une société d’assurances. Entré dans la cinquantaine, il devient un poids pour son patron. Ce dernier décide alors de lui donner un travail impossible à faire pour le lendemain, afin de pouvoir le licencier en toute impunité. Duval, en bon employé, accepte sans broncher. Au fil de la journée et de la nuit, la tension monte : il ne parvient pas à mettre la main sur les justificatifs dont il a besoin, il ne trouve rien dans les dossiers qui sont mal classés, il se sent pris au piège et soudain, plus rien, c’est le burn-out.

S’en suivent deux années de chômage, deux années de recherche d’emploi infructueuse, deux années où domine la peur du vide, où on perd l’estime de soi, où on a le sentiment d’être inutile… Puis d’anciennes connaissances refont surface. Signe du destin ou pur hasard, on finit enfin par recevoir un appel pour un entretien d’embauche. Retrouver enfin du travail, n’importe quoi, ne plus être financièrement aux abois… Dans cette situation, comment refuser une proposition aussi alléchante que celle de retranscrire des écoutes pour 1500 euros par semaine ?

Pour un tel salaire, on est prêt à oublier qu’on ne sait strictement rien ni de la personne qui nous emploie, ni de la société à laquelle elle appartient. On est prêt à oublier son libre-arbitre et à ne pas remettre en cause nos conditions de travail même si elles nous paraissent absurdes.

Tel un bon ouvrier, il nous suffit simplement d’exécuter machinalement notre tâche pour empocher notre salaire. Rien de très compliqué, il faut juste taper à la machine ce que l’on entend sur les cassettes audios. Puis un jour, les petites histoires que nous retranscrivons chaque jour font irruption de manière brutale dans notre quotidien. Quand on se rend compte qu’il faut démissionner, il est déjà trop tard. La mécanique est déjà lancée et rien ne semble pouvoir l’arrêter…

Une mécanique bien rodée

Duval, c’est nous, nous les spectateurs, nous dans notre quotidien. C’est un homme ordinaire avec des problèmes ordinaires. Il paie ses factures, boit du café, tue le temps en faisant des puzzles. En somme, il mène une vie des plus ennuyeuses. Il se retrouve entraîner malgré lui dans une mécanique qui le dépasse. Il se rend progressivement compte l’ampleur des enjeux de l’organisation qui l’a recruté. Les informations nous parviennent au compte-goutte. Monsieur Clément, l’employeur de Duval, est un homme intelligent et opportuniste. Il cloisonne ses employés pour mieux repérer les agents défaillants et limiter les fuites. « Diviser pour mieux régner », tel pourrait être son credo.

Ce cloisonnement de l’information est inhérent à toute société secrète. Il traduit un besoin obsessionnel de constamment contrôler et sécuriser l’information. Tout agent recruté par des organismes de renseignement ne peut disposer que d’une vision partielle et cloisonnée de l’activité collective. Il ne sait que ce dont il a besoin pour exécuter sa tâche. Il ne connaît ni la finalité de son action, ni les missions de ses collègues. C’est dans ce même souci de contrôle de l’information que les organismes de ce type privilégient le matériel analogique au numérique, pour lequel les risques de fuite sont plus élevés. C’est pourquoi les services secrets russes auraient racheté des machines à écrire, une tâche mécanique et répétitive pour laquelle il n’est pas nécessaire de penser, un travail parfait pour notre cher Duval.

Vous l’aurez sans doute compris, ce film est extrêmement bien documenté. Aucun détail n’a été laissé au hasard par ce jeune réalisateur passionné par le monde du secret, des affaires politico-judiciaires et biberonné aux aventures d’espionnage et aux thrillers. On devine aisément quelles ont été ses sources d’inspiration : le scandale politico-financier dans lequel a été impliqué l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takeddine, celui dénoncé par le lanceur d’alerte Edward Joseph Snowden, ou encore les mises en examens pour « collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite » de Bernard Squarcini, un haut fonctionnaire chargé du renseignement anti-terroriste. Il nous donne ainsi à voir les coulisses du pouvoir, dans un contexte géopolitique tendu, où le risque de vivre une seconde guerre froide devient de plus en plus réel.

Le film est d’ailleurs criant de réalisme. L’univers nous paraît étrangement familier. On sait que l’action se passe de nos jours, en région parisienne. On reconnaît le quartier d’affaires de la Défense, mais on ne parvient pas à identifier les autres lieux. Le décor est réduit à sa plus simple expression afin que l’on puisse se concentrer sur le personnage de Duval, pénétrer l’intimité de ses pensées, ressentir ses doutes et ses craintes, vivre de l’intérieur l’enfermement physique et mental qu’il subit.

Ce focus sur le personnage de Duval est renforcé par le manque d’interaction avec son environnement. Duval est un homme solitaire, un taiseux, sans attache et sans famille, un homme que l’on peut facilement manipuler et faire disparaître. Lui qui ne connaît pas la violence va y être confronté de manière brutale.

Au fur et à mesure que Duval progresse dans ce monde sombre et opaque du renseignement, le film devient plus sombre. Le doute plane sur tout son entourage. Il ne peut faire confiance à personne. À force d’encaisser les coups, il va s’endurcir et va finir par se révéler. De spectateur, il va devenir maître de son destin.

Le public se sent d’autant plus concerné par ce qui arrive à Duval que ce dernier lui ressemble. Il découvre un milieu qu’il ne connaît pas et se retrouve dans une situation qui le dépasse. Il est comme un nouveau-né qui apprend à marcher. Il y a un côté addictif et hypnotisant à suivre ses mésaventures, qui est renforcé par la musique du film. Certains sons reviennent cycliquement et renvoient à la mécanique du film.

Des acteurs triés sur le volet

Mais ce qui fait le succès de ce dernier est sans aucun doute son scénario bien ficelé, qui a su séduire quatre hommes de théâtre, pour lesquels un bon texte est primordial.

À la scène comme au cinéma, ces quatre acteurs partagent une belle complicité. Ils n’ont pas besoin de se parler, un simple regard suffit parfois à signifier leurs intentions.

C’est d’ailleurs pour cela que Thomas Kruithof a choisi François Cluzet, un acteur qu’il apprécie particulièrement pour sa manière de jouer. François n’est pas un seul interprète, il fait sienne la vie des personnages qu’il incarne. Il est capable de retranscrire leurs pensées et leur personnalité, sans dire un mot, simplement par ses expressions et ses attitudes.

Pour lui donner la réplique, se tiennent face à lui trois hommes et une femme, tout aussi talentueux.

Denis Podalydès, sociétaire à la Comédie française, incarne monsieur Clément. Il est en quelque sorte l’officier traitant qui s’est chargé du recrutement de Duval. De ce fait, il doit se montrer à la fois autoritaire et humain pour pouvoir le manipuler à sa guise. Sous une apparente courtoisie, on sent poindre la menace. C’est un personnage ambigu, à la fois inquiétant et rassurant.

Dans le registre de la froideur, le commandant de la direction générale de la sécurité intérieure Labarthe, joué par Sami Bouajila, lui tire la vedette. Mais à la différence de Clément, sous ce masque d’indifférence, on devine les faiblesses de l’homme. Comme tout poste à responsabilité, son avenir se joue à chaque élection présidentielle.

À l’opposé de ces deux personnages, Gerfaut est un sanguin, un vieux de la vieil, un homme de terrain, qui détonne dans ce monde où la discrétion est de mise. Incarné par Simon Abkarian, il joue les éléments perturbateurs.

Il est une autre personne qui vient bouleverser la vie de Duval : Sara est une jeune aide-soignante d’origine étrangère. Elle rencontre ce dernier lors d’une réunion des alcooliques anonymes, à la suite de laquelle il devient son parrain. Tous deux partagent la même solitude et la même vulnérabilité. Il y a quelque chose de touchant dans la manière qu’ils ont de s’apprivoiser l’un l’autre.

Si vous voulez plonger au cœur des rouages des services de renseignement, si vous aimez les histoires complexes aux multiples ressorts, le tout servi par des comédiens talentueux, alors laissez-vous embarquer par « La mécanique de l’ombre » !

Caractéristiques

Titre : « La mécanique de l’ombre »

Genre : Thriller / film d’espionnage

Réalisation : Thomas Kruithof

Scénario original : Thomas Kruithof et Yann Gozlan

Production : 2425 Films

Musique : Grégoire Auger, qui signe ici sa première bande-son de long-métrage

Distribution : François Cluzet dans le rôle de M. Duval, Denis Podalydès dans celui de M. Clément, Simon Abkarian dans celui de Gerfaut, Sami Bouajila dans celui du commandant de la DGSI Labarthe et Alba Rohrwacher dans celui de Sara

Durée : 1h33

Sortie française : le 11 janvier 2017

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Magali Sautreuil
Formée à l'École du Louvre, j'éprouve un amour sans bornes pour le patrimoine culturel. Curieuse de nature et véritable "touche-à-tout", je suis une passionnée qui aimerait embrasser toutes les sphères de la connaissance et toutes les facettes de la Culture. Malgré mon hyperactivité, je n'aurais jamais assez d'une vie pour tout connaître, mais je souhaite néanmoins partager mes découvertes avec vous !

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