A l'affiche
[Interview] Marie Josée Croze “Le cinéma on n’en parle pas, on le fait”

[Interview] Marie Josée Croze “Le cinéma on n’en parle pas, on le fait”

12 October 2014 | PAR Yaël Hirsch

Vive, vivante, très présente, belle et magnifiquement habillée (et encore mieux le soir même en Chloé pour la clôture), même un peu frigorifiée, Marie-Josée Croze est une apparition sur la terrasse du Grand Hôtel. Nous déplaçons la table au soleil et c’est à fleur de peau, tout entière impliquée dans notre conversation que l’actrice qui a tourné 5 films cette année (Et qu’on retrouvera notamment chez Wim Wenders) nous parle de son rôle de veuve pleine de grâce dans Calvary de John Michael McDonagh… Un joli moment où on en a vraiment appris beaucoup sur la vocation et le métier d’acteur.

Comment avez vous décidé de dire oui au rôle de Teresa qui est à la fois court (trois apparitions) et très intense ?
J’ai lu le scénario, c’était en anglais, il y avait beaucoup de personnages mais quand je suis arrivée à mon personnage, Teresa, je me suis dit qu’elle avait raison de voir la vie différemment. Et qu’elle était beaucoup plus intelligente que moi. J’ai aimé comment cette femme qui vient de perdre l’amour de sa vie disait déjà se sentir heureuse d’avoir fait cette expérience de l’amour. Et quelque part j’ai compris qu’elle ait cette sagesse de ne pas trouver la situation injuste. En même temps bien sûr je ne pouvais pas me contenter de dire le texte. Il y a avait forcément de la douleur, sinon ce n’était pas humain. Toute la difficulté a été de trouver cet équilibre entre la lucidité et la douleur.

Et pour la grâce, comment l’avez-vous laissée transparaître ?
Je n’ai pas cherché à l’évoquer, je suis restée sur la ligne point de vue original sur la vie/ douleur et je crois que ca a vraiment marché. La première scène qu’on a tournée est en fait la dernière du film et ça a été un peu difficile. Mais Brendan est un formidable acteur et pour les scènes suivantes, on savait comment on allait faire, les choses étaient en place.

Le réalisateur John McDonagh a parlé du personnage de Teresa avec vous ?
Pas du tout, et c’est très bien comme ça. Quand on fait du cinéma on n’en parle pas, on le fait c’est tout. A la limite après on peut en parler. Souvent d’ailleurs on découvre le travail qui a été fait sur les personnages au moment des interviews Avec l’expérience j’ai appris à me méfier des réalisateurs qui parlent trop de leurs personnages. En général, c’est avec ceux-là que le film ne va pas se faire.

Vous enchaînez les tournages assez éprouvants (en Lituanie, au Maroc) et les rôles très intenses. Qui plus est, vous avez la réputation de vous investir totalement dans vos rôles. Y-a-t-il des moments ou cela vous épuise, ou vous doutez ?
A partir du moment où je veux faire un film où le scénario m’a plu et où je veux travailler avec le réalisateur, non plus rien ne peut me faire douter. Bien sur certains jours je n’ai pas envie, je resterai bien tranquille, mais ce qui m’importe c’est qu’on fasse un bon film, qu’on le porte jusqu’au bout. Pour ce faire, il faut que je trouve la porte d’entrée dans mon personnage. Si c’est une femme qui m’est insupportable ou avec laquelle je n’irais pas boire un café, rien à faire, je refuse le rôle. Je ne fais pas confiance à ceux qui me disent qu’un personnage me ressemble quand je n’en trouve pas la clé. Il n’y a que quelqu’un que je connais bien et avec qui j’ai beaucoup travaillé comme Denys Arcand, peut-être, qui pourrait me convaincre d’aller dans une direction nouvelle et face à laquelle mon instinct me dit de ne pas m’engager.

Calvary, de John Michael McDonagh, avec Brendan Gleeson, Chris O’Dowd, Aiden Gillen, Kelly Reilly, Dylan Moran, Domhnall Gleeson, M. Emmet Walsh, UK, Twentieth Century Fox. Sortie le 26 novembre 2014.
Photo : Yaël Hirsch

[Critique] « White Bird », Gregg Araki s’est assagi mais n’en a pas terminé avec les problèmes d’adolescents
Le petit poucet (ou du bienfait des balades en forêt dans l’éducation des enfants)
Avatar photo
Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration