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[Festival Architectures du rêve]”Le Carrosse d’or” de Jean Renoir roule sous la pyramide du Louvre

[Festival Architectures du rêve]”Le Carrosse d’or” de Jean Renoir roule sous la pyramide du Louvre

13 March 2016 | PAR Olivia Leboyer

carrosse 2

Symboliquement, c’est l’auditorium de la Pyramide du Louvre qui accueille le cycle « Architectures du rêves » : sous la belle structure en verre, nous embarquons dans un merveilleux Carrosse d’or, qui cristallise désirs, ambitions et rêveries amoureuses. Un grand film de Jean Renoir (François Truffaut avait baptisé sa société de production “Les Films du Carrosse”, ce film comptant parmi ses préférés), mélancolique et enjoué.

[rating=5]

Après avoir tourné Le Fleuve en décors naturels, Jean Renoir construit un Pérou d’opérette, tout en enfilades de pièces et portes à doubles battants, prétexte à une réflexion sur les liens entre le théâtre et la réalité. Au Pérou, les enfants jouent aux billes avec des émeraudes et les rues sont pavées d’or ? Non, devant le Palais du vice-roi, la poussière envahit la Place, les pauvres en haillons mènent oies et lamas : justement, voici une distraction, une troupe de commedia dell’arte venue de la lointaine Europe pour quelques représentations endiablées. Jouer dans une grange de ferme n’a pas de quoi faire rêver, surtout que les spectateurs entrent sans payer leur billet, dans ce pays où les nobles se font inviter d’office, où les pauvres sont trop pauvres. Dans son Palais, entre un bain de pied et une conversation lénifiante avec sa maîtresse ampoulée, le vice-roi sans divertissement attend…son carrosse. Une splendeur, tout en or, qui arrive directement d’Europe.

C’est sur ce même bateau que la troupe de théâtre a voyagé, et Camilla/Colombine (Anna Magnani, pleine de vie) a même dormi dedans. Comme de bien entendu, le vice-roi tombe sous le charme de Camilla et lui offre son beau carrosse. C’est si simple l’amour, rire ensemble, manger une tourte à la viande, plaisanter… Mais Colombine/Camilla, heureuse de plaire, parade dans son carrosse, lance des colliers d’or à un fougueux toréador, donne un peu son cœur à un futur soldat, et ne sait plus à quel saint se vouer. Une folle ronde s’enclenche, où tourbillonnent les rêves de richesse et d’amour. Le vice-roi lui assure que la possession d’une mine d’or assèche le rire et attriste. Vraiment ? La belle saltimbanque en doute, fascinée par le carrosse en or massif. Symbole politique, le véhicule roule au rythme des ambitions de cour et de la musique de Vivaldi, et le pouvoir amollit l’âme. Quant aux amoureux toréro et soldat, ils ont bien le sang chaud mais peu de plomb dans la tête. Les rivalités donnent lieu à un ballet rondement mené, Anna Magnani régnant avec superbe sur ce monde réel trop petit pour elle.

Comme dans French Cancan, la morale, toute simple, consistera à préférer le goût des planches à la vraie vie où l’on s’ennuie. Même si le prix à payer, pas d’attaches et pas de carrosse, éveille quelques petits regrets, c’est la liberté qui vaut de l’or.

Le Festival « Architectures du rêve » (qui accompagne l’exposition « Hubert Robert, 1733-1808. Un peintre visionnaire », en lien avec le cycle « Le spectacle de la ville au XVIIIe siècle ») offre une sélection de films rares et sublimes. Ce samedi 12 mars, Le Carrosse d’or laissait la place au Brigadoon imaginaire et fou de Vincente Minelli, puis aux Adieux à la Reine de Benoît Jacquot le lendemain (voir notre critique).

Pour nous, nous nous replongerons sous la pyramide le dimanche 10 avril pour nous laisser éblouir par le Casanova de Federico Fellini.

Pour connaître le programme du Festival : cliquez sur www.louvre.fr ou 01 40 20 55 55

Le Carrosse d’or (The Golden Coach), de Jean Renoir, France/Italie, 1953, 103 minutes, couleur (Technicolor), version restaurée, musique d’Antonio Vivaldi, avec Anna Magnani, Odoardo Spadaro, Duncan Lamon, Jean Debucourt.

visuels: affiche et photo officielles du film.

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Olivia Leboyer
Docteure en sciences-politiques, titulaire d’un DEA de littérature à la Sorbonne  et enseignante à sciences-po Paris, Olivia écrit principalement sur le cinéma et sur la gastronomie. Elle est l'auteure de "Élite et libéralisme", paru en 2012 chez CNRS éditions.

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