Théâtre
Un dimanche à la Ferme pendant TEMPS D’IMAGES

Un dimanche à la Ferme pendant TEMPS D’IMAGES

24 October 2012 | PAR Audrey Chaix

Pour le dernier week-end de TEMPS D’IMAGES, La Ferme du Buisson présentait différents spectacles faisant se rencontrer le théâtre et l’image, la performance et la vidéo. Si Hakanaï, étape de travail d’Adrien M. et Claire B, pouvait séduire toute la famille, L’Argent d’Anne Théron et Hamlet II: Exit Ghost du Teatr Weimar, étaient réservés à un public plus averti. Formes courtes (de 25 minutes à à peine plus d’une heure) explorant les ressorts de l’image mise en scène, jouées dans des espaces confinés, ces pièces s’inscrivaient parfaitement dans la logique d’un festival poussant le public à découvrir des œuvres et des lieux moins connus.

 

Avec Hakanaï, Adrien M. et Claire B. continuent d’explorer les territoires occupés par Adrien M. dans ses différentes créations : on avait déjà vu Cinématique en 2010 à la Ferme du Buisson. Dans un espace carré tendu de tulle, la danseuse Claire B. interagit avec des lignes de lumière projetées sur la toile, avec lesquelles elle semble danser. Le dispositif est par ailleurs en ce moment présenté dans le cadre de l’exposition XYZT, les paysages abstraits à la maison Folie Hospice d’Havré (Tourcoing), tout entière dédiée au travail des deux artistes. Si, dans le cadre de l’exposition, il est investi par le public, qui s’émerveille de voir réagir les projections à ses gestes, le dispositif est ici exploré par Claire B., qui révèle les possibilités d’une interaction entre les mouvements du corps et la réponse que peut y apporter une lumière numérique. Esthétiquement plaisante, très poétique, cette étape de travail est à l’image de son titre : en japonais, hakanaï signifie éphémère, évanescent. A suivre.

 

Après cet instant figé dans le temps et dans l’espace, L’Argent nous ramène sur terre dans un discours sur le matérialisme et la trivialité de la menue monnaie, qui permet de lire et de comprendre tous les échanges et les interactions humains. Mis en scène par Anne Théron, Stanislas Norday lit, susurre, hurle, crache même le texte de Tarkos, avec une grande précision. A ses côtés, la danseuse Hakiko Hasegawa accompagne le texte de ses mouvements, répondant par moment en japonais, ce qui introduit une certaine dérision dans le propos. L’espace scénique est intéressant : les deux performeurs sont juchés sur une estrade recouverte de gazon synthétique, tandis que les spectateurs, assis par terre, sur des chaises ou même debout, les entourent des quatre côtés de l’estrade. Au-dessus d’eux, des quatre côtés de la salle également, des projections reprennent les cours de la bourse, du CAC 40, énumèrent les PIB des pays du monde à grand renfort de cartes, de schémas, de chiffres et de diagrammes. Un peu schématique… et surtout très descriptif, comme une sorte de PowerPoint géant qui soulignerait le propos sans lui ajouter grand chose. On en ressort impressionné par la performance de Nordey, mais un peu dubitatif quant à la valeur ajoutée du spectacle par rapport au texte.

 

Pour finir, sur les gradins du Grenier, une compagnie suédoise s’empare de la tragédie de Shakespeare, Hamlet, pour en casser la structure narrative et explorer la psyché des personnages dans une étude qui devient presque une dissection, autant des protagonistes que de l’œuvre shakespearienne. Sur le plateau, la régie tient plus de place que les deux comédiens – qui semblent être encore en train de répéter, dans leurs habits de tous les jours, autour d’une table en bois jonchée de désordre. Des ordinateurs, des tables de mixage, des fils, des caméras… la technique prend la place du décor et des accessoires, envahit l’espace scénique pour mieux montrer les rouages du théâtre. Rafael Petterson et Linda Ritzén jouent Hamlet et Ophélie. Sauf que parfois, Claudius et Gertrude prennent le pas sur le jeune couple et ce sont eux à qui les deux comédiens donnent voix, explorant ainsi la relation parent / enfant. Hamlet, surtout, devient “ghost”, fantôme comme son père avant lui, se retrouve face à lui-même, débarrassé de l’intrigue shakespearienne pour se voir tel qu’il est, sans fard et sans excuses. Cependant, si l’idée est riche, si l’interprétation est très forte et très dense, la représentation devient tellement conceptuelle qu’il devient difficile de la suivre, difficile de s’attacher à des personnages qui sont plus des idées de personnages que des êtres vivants.

 

Ces quelques spectacles montrent ainsi la richesse et la diversité de TEMPS D’IMAGES, ainsi que sa capacité à montrer comment l’art vivant permet de remettre en question le monde qui nous entoure aussi bien que notre perception du théâtre et de la scène. Rendez-vous en 2013 pour la 12e édition !

 

Crédit photos :

L’Argent © Emeric Adrian
Hamlet II : Exit Ghost © Jörgen Dahlqvist

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Audrey Chaix
Professionnelle de la communication, Audrey a fait des études d'anglais et de communication à la Sorbonne et au CELSA avant de partir vivre à Lille. Passionnée par le spectacle vivant, en particulier le théâtre, mais aussi la danse ou l'opéra, elle écume les salles de spectacle de part et d'autre de la frontière franco-belgo-britannique. @audreyvchaix photo : maxime dufour photographies.

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