Théâtre

Tori no tobu takasa, la comédie interculturelle qui décrypte le capitalisme

16 February 2010 | PAR Amelie Blaustein Niddam

« Tori no Tobu Takasa » est une adaptation très réussie de « par-dessus bord », une pièce de Michel Vinaver , écrite en 1968, alors qu’il était directeur de Gillette France. Pendant trois ans, Oriza Hirata a travaillé avec Michel Vinaver et Arnaud Meunier pour transposer la  réalité de la mondialisation dans les années soixante-dix à la société d’aujourd’hui. Cette pièce époustouflante et surprenante se joue au théâtre de la Ville les Abbesses jusqu’au 20 février.

libre droits- ph Toshihiro Shimizu

La version originelle, Par-dessus bord raconte, par la voix d’un employé, Passemar, la vie d’une petite entreprise familiale française de papier toilette, Ravoire et Dehaze, rachetée par une multinationale américaine. Passemar suit les cours d’un professeur de mythologie nordique  et  autre élément historique,  Alex Klein, un jeune juif rescapé des camps, représente l’étranger et l’étrangeté.

Dans la version japonaise, il a fallu transposer, voir traduire. Pour coller à la réalité des années 2000 c’est une entreprise japonaise qui se fait doucement racheter…par une entreprise française!  Et connaissant la passion japonaise pour les toilettes et l’aversion pour le papier, l’entreprise passe du PQ à la cuvette. Concernant la figure du Juif survivant, elle est remplacée par un jeune Rwandais musicien dont la couleur et l’histoire est aux antipodes des réalités du monde de l’entreprise.

L’entreprise familiale  Saruwatari, lance son premier produit depuis 12 ans, une cuvette exceptionnelle. Mais sans plan de communication les ventes s’effondrent. À la mort du père, les deux fils se partagent leur femme et leur version de la reconquête en faisant appel à des consultants en communication visant à changer leur image et leur structure.

À travers cette pièce, Arnaud Meunier et Oriza Hirata déroulent l’histoire du Japon portée par le personnage de Passemar devenu ici un jeune cadre qui hésite entre carrière intellectuelle et planque de 40 ans dans les cuvettes WC dernier cri. C’est lui qui nous ouvre le regard en faisant le lien avec l’histoire mythologique du Japon et les changements d’une entreprise familiale en multinationale.

Le sujet autour des cuvettes WC permet des dialogues d’anthologie qui au lieu d’être vulgaires s’avèrent brillants et hilarants: “une révolution c’est une défécation collective” apprendra-t-on des 17 comédiens-chanteurs-danseurs qui balancent en cœur “le cercle des toilettes est le cercle du monde”. La mise en scène est particulièrement  inventive, on retiendra la séance de brainstorming sur le nom du produit où tous les employés réfléchissent assis sur des toilettes à roulettes. Il faut saluer la superbe scénographie de Camille Duchemin, portée par la mise en scène d’Arnaud Meunier hyper inventive dans des changements de décors dansés forts amusants.

Difficile de ne pas faire le lien entre le symbolisme de l’excrément et l’image du capitalisme. On rit beaucoup, on rit parfois acerbe face à des situations drôles et pathétiques.  Une belle réussite malgré quelques petites longueurs.

Tori no tobu takasa, de Michel Vinaver, adaptation d’Oriza Hirata. Mise en scène : Arnaud Meunier, avec Philippe Durand, Tomohito Hatanaka, Yoko Hirata, Elsa Imbert, Akiko Ishibashi, Moanda Daddy Kamono, Hideki Nagai, Hiroko Matsuda, Nathalie Matter, Hiroshi Ota, Tadashi Otake, Hiroshi Otsuka, Kotaro Shiga, Reiko Tahara, Hiroshi Takahashi (Bungakuza), Ruriko Temmyo, Kenji Yamauchi  , en japonais surtitré et en français, jusqu’au 20 février au Théâtre de la Ville-Théâtre des Abbesses, 31 rue des Abbesses, M. Abbesses, du lundi 15 au vendredi  à 20h30 , le samedi à 15h et 20h30, de 12 à 23 euros, 01.42.74.22.77

Photo libre droits- Toshihiro Shimizu

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

One thought on “Tori no tobu takasa, la comédie interculturelle qui décrypte le capitalisme”

Commentaire(s)

  • DBC

    Pièce rigolote et souvent dans le vrai.
    le choc des cultures… il faudrait que je lise la pièce originale pour voir si le point de vue était le meme a l’époque.

    February 17, 2010 at 19 h 29 min

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