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“Ton Père” au Théâtre Monfort : une adaptation personnelle du récit de Christophe Honoré

“Ton Père” au Théâtre Monfort : une adaptation personnelle du récit de Christophe Honoré

20 June 2021 | PAR Julia Wahl

Après Où ces cœurs s’éprennent et L’Arbre, le maire et la médiathèque, adaptés de films de Rohmer, Thomas Quillardet, que nous interviewions la semaine dernière, nous emmène à présent dans l’univers de Christophe Honoré avec une adaptation personnelle du récit Ton Père.

Résurgence de l’homophobie…

Un grand ring en velours vert, entouré de gradins, verts également. Au centre, le vide. Et puis soudain, en face de nous, un spectateur se lève. Monte sur le ring. Et nous raconte : sa fille – dont nous ne connaitrons que le surnom, Orange – vient de trouver, punaisé à la porte de l’appartement, un billet ainsi libellé : « Guerre et paix. Contrepèterie douteuse. »

Pas de quoi s’en faire pour si peu, pense le Narrateur, qui s’efforce à y voir une simple plaisanterie. Un gamin… Qui, toutefois, serait sacrément intello… Et se baladerait avec une punaise dans sa poche… Nous suivons les réflexions angoissées du personnage, qui tente de se rassurer. Mais, le jeu de Thomas Blanchard ne laisse aucun doute : toutes les théories permettant d’écarter la thèse de la malveillance homophobe sont absurdes. Alors, le narrateur se souvient…

Des blagues homophobes familiales, de la distance de son père, de la réaction de sa sœur quand il lui annonce qu’il veut devenir père… Rien de grave dans ces réactions, a-t-il toujours pensé. Et voilà que, sournoisement, ces événements mis bout à bout prennent sens. Et soulignent l’extrême naïveté dont il a toujours fait montre.

Entre enquête et nostalgie

Le texte de Christophe Honoré, que Thomas Quillardet adapte ici très fidèlement, est construit sur un va-et-vient permanent entre ses souvenirs d’adolescence et l’enquête sur l’auteur de ce harcèlement homophobe.

Le plateau presque nu met en valeur ce récit, que le jeu de Thomas Blanchard fait sonner tantôt avec un sérieux angoissé, tantôt avec une distance à la limite de l’absurde. Aussi le spectateur passe-t-il du rire à la gravité et de la gravité au rire tout au long du spectacle. Les personnages secondaires, incarnés à tour de rôle par Claire Catherine, Morgane el Ayoubi, Josué Ndofusu et Etienne Toqué, apparaissent et disparaissent à leur tour dans les gradins, comme autant de suspects convoqués puis écartés de l’enquête.

« Faire société »

Les jeux de lumière mettent également en évidence les différents protagonistes de l’histoire. Particulièrement réussie, cette scène où le narrateur et ses amis d’adolescence se retrouvent en pleine nuit dans un parc pour boire et flirter. Intégralement plongés dans le noir, nous ne pouvons entrevoir que les points lumineux de leurs lampes de poche, qui trinquent et dansent à la manière de leurs propriétaires.

Le but avoué du dispositif quadrifrontal était de permettre au public de « faire société » : le pari est gagné, les spectateurs partageant avec bonheur les soupçons et accès de nostalgie du personnage-narrateur. Il permet, sans didactisme aucun, de faire toucher du doigt le fait que la lutte contre l’homophobie n’est jamais une bataille gagnée.

Visuel : Matthieu Edet

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Julia Wahl
Passionnée de cinéma et de théâtre depuis toujours, Julia Wahl est critique pour les magazines Format court et Toute la culture. Elle parcourt volontiers la France à la recherche de pépites insoupçonnées et, quand il lui reste un peu de temps, lit et écrit des romans aux personnages improbables. Photo : Marie-Pauline Mollaret

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