
Tartuffe dépassionné au Théâtre de Paris
Cette saison le Théâtre de Paris nous propose un Tartuffe avec dans les rôles-titres les monuments des plateaux que sont Claude Brasseur et Patrick Chesnais. On reste sur notre faim.
Marion Bierry ressort la fabuleuse histoire de l’imposteur du Siècle d’or, l’époussete un peu et rempile sur une mise en scène des plus classiques. Sur l’affiche, on voit deux noms qui n’ont plus rien à prouver, un casting plutôt léché et qui porte bien l’alexandrin, mais une pièce qui reste en demi-teinte.
Voilà le tableau : une scène tout de blanc revêtue, qui n’est ni meublée ni décorée. Voudrait-on laisser au texte un espace pour se dire ? réécrire sur une page toute blanche l’incroyable tartufferie humaine ? Nul ne sait. Seul élément de décor, le beau visage sulpicien de Marie-Madeleine se détache sur le mur du fond. Là encore, l’idée est bonne, mais mériterait d’être exploitée plus à fond. Il est vrai que le texte de Molière est dense et ne supporte pas l’artifice, mais on gagnerait sans doute à moins suggérer et à jouer davantage dans le tranché.
Le jeu des acteurs est aussi très hétéroclite : Claude Brasseur se prête excellemment à Orgon emporté, débonnaire et crédule. Son personnage se déploie avec une espèce d’aisance qui se module au gré de la pièce, tout en restant crédible et drôle. Il actualise le texte en le rendant naturel, ce qui manque à la plupart des autres comédiens. On rit devant les scènes enlevées avec Dorine (Chantal Neuwirth) ou avec sa femme Beata Nilska, très belle en Elmire. Mais le grand absent de la pièce reste Tartuffe. Il rentre dans un costume ultra-flegmatique et dépassionné. Parfait dans son rôle de je-m’en-foutiste, il manque d’ardeur et désincarne le personnage, un personnage pourtant ardent jusqu’à vendre son âme. Dommage.
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