REVUE MUSICALE DANS UNE NAVETTE SPATIALE PAR CHRISTOPH MARTHALER
Christoph Marthaler est de retour au Schauspielhaus de Zurich avec une proposition intitulée Mir nämeds uf öis. Il s’agit d’un voyage dans l’espace au cours duquel se déroule une succession de numéros d’acteurs drolatiques, des explorations musicales irrésistibles et purificatrices.
Le point de départ de Mir nämeds uf öis, c’est l’embarquement d’un groupe de notables du milieu financier, sportif ou politique, des entrepreneurs plus ou moins corrompus, dans un vaisseau spatial. Le commandant de bord fait son petit discours et c’est parti. « Hallejoh » (extrait du Vaisseau fantôme de Wagner) chante en chœur le petit groupe plein d’allégresse.
L’intrigue est mince. Peu d’événements. Quelques situations qui surgissent sans raison, sans logique mais peu importe. C’est la fantaisie de Marthaler qui est le fil rouge de la soirée, sa poésie, son regard amusé et impitoyable sur notre monde, la bizarrerie et la mélancolie qu’il convoque, qu’il produit pour faire la peinture des travers et des faiblesses humaines.
Ainsi, une vieille dame désenchantée portant un tailleur classique rose, chante en chevrotant dans un anglais approximatif « Sorry Seems To Be The Hardest Word » de Elton John. On reconnaît Bach, « Tannhäuser » et aussi un air du « Rheingold » que l’inénarrable Tora Augestad chante à califourchon sur un jambonneau qu’elle caresse furieusement. Deux pianos apparaissent et disparaissent du sol, puis un éléphant. Les interprètes, géniaux, chantent et dansent, se contorsionnent, proposent une version anthologique et pop des Quatre Saisons de Vivaldi, forment un manège d’écuyers fringants qui se métamorphose lentement, inéluctablement, en vieillards marchant difficilement, mimant les déambulateurs dont ils ont désormais besoin. Le vaisseau traverse une zone de turbulences et ce cabaret burlesque et satirique s’achève dans une atmosphère apocalyptique.
© Tanja Dorendorf / T + T Fotografie