
Parole et Guérison
La pièce de Christopher Hampton ‘The Talking Cure’,créée à Londres en 2003, connaît sa version française depuis le 2 septembre 2009 au Théâtre Montparnasse. Samuel Le Bihan succède à Ralph Fiennes dans le rôle de Carl Jung, et Barbara Schulz s’éclate dans celui de Sabina Spielrein, grande oubliée de l’histoire de la psychanalyse.
D’emblée le décor sobre et moderne, avec son mur incliné à tiroirs coulissants, intrigue et séduit. Ce décor mouvant évolue avec l’histoire des protagonistes, se déploie, prenant tour à tour l’allure d’un lit d’hôpital ou du cabinet viennois de Freud. Par son entremise, la mise en scène fluide de Didier Long fait glisser le spectateur à travers les moments clé des débuts balbutiants de la psychanalyse.
Car la psychanalyse, sujet encore mal connu et peu traité au théâtre, est la véritable héroïne de la pièce. L’intrigue nous plonge au sein des relations houleuses, tant sur le plan personnel que professionnel, du trio Jung-Freud-Spielrein, fondateurs de la discipline. Davantage restée célèbre pour l’idylle passionnée qui l’unit brièvement à Jung, Sabina Spielrein eut en réalité une incidence majeure, à laquelle la pièce rend justice, dans l’évolution de la psychanalyse. Dotée d’une intuition remarquable soulignée par Hampton, elle influença les théories les plus célèbres de ses pairs. Si l’histoire d’amour romanesque est ici largement évoquée, elle n’en demeure pas moins anecdotique afin de permettre à la personnalité atypique et à l’œuvre de Spielrein de tenir le cœur du propos.
La pièce répare les lacunes de l’histoire et offre enfin au grand public l’occasion de découvrir cette pionnière quasi-anonyme, à qui Barbara Schulz donne toute sa dimension de femme malade, puis incarnée et passionnée. Surprenante de force et de détermination, elle éclipse littéralement Samuel Le Bihan à qui le costume de Jung ne sied guère. Son jeu parfois approximatif, son manque de conviction laissent penser que l’acteur lui-même se demande ce qu’il est venu faire dans la société psychanalytique des années 1900. Son malaise détonne au sein d’une distribution parfaite où excellent les seconds rôles, notamment Alexandre Zambeaux, éclatant interprète du cabotin cocaïnomane Otto Gross.
Si la pièce traîne parfois en longueur, elle n’en demeure pas moins un beau portrait de femme, intelligent et soigné, à l’esthétique épurée et au propos fondamental. Un juste hommage rendu à cette psychanalyste qu’il est urgent de connaître.
‘Parole et Guérison’, jusqu’au 29 novembre 2009, Théâtre Montparnasse, 31 rue de la Gaîté, Paris 14e, m° Edgar Quinet, Gaîté, Montparnasse-Bienvenüe. 34 euros et 48 euros. Du mardi au vendredi à 20h30, samedi à 17h et 20h30, dimanche à 15h30.
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One thought on “Parole et Guérison”
Commentaire(s)
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amelie
Au contraire, je trouve Le Bihan ideal en Yung. Evidement mal à l’aise car pionnier qui tue le père, en remettant au centre les relations entre mémoire colléctive et inconscient collectif.
Ce que donne à voir la pièce c’est ce qu’on ne voit jamais, c’est à dire plusieurs séances entre analyste et analysant mais encore plus loin, la pièce met en avant l’utilité de l’analyse de contrôle.
Et quelle mise en scène de Didier Long!
Et quel décor de Didier Long!