
« L’Expérience de l’arbre », une merveilleuse archéologie des théâtres
Le Théâtre Paris-Villette accueille, dans le cadre de son festival Spot, L’Expérience de l’arbre de Simon Gauchet, un spectacle créé en 2018 lors d’une résidence à la Villa Kujoyama.
Une archéologie des théâtres français et japonais
C’est à un monde où les arbres parlent que nous invite Simon Gauchet : il suffit de les écouter. Ainsi en est-il de ce pin auquel s’adressent les acteurs de théâtre no. Situé en fond de scène, il symbolise par sa vigueur l’éternelle jeunesse. Une vigueur parfois trompeuse : le cerisier, plus souple, résiste parfois mieux à la tempête.
C’est le chant de résistance du pin que Hiroaki Ogasawara tente d’enseigner à Simon Gauchet. Un chant grave et puissant, qui s’oppose à celui, plus léger, du cerisier. Un arbre vigoureux dépassé par un arbre en apparence plus frêle… Cela vous rappelle une fable ? C’est précisément là le propos du metteur en scène : donner corps aux ressemblances et dissemblances des théâtres occidentaux et orientaux. Une comparaison où trouvent place Artaud et son théâtre de la cruauté, mais aussi Eugène Green et son Théâtre de la Sapience. Car le cours de théâtre qui se déroule sous nos yeux est double : si le metteur en scène français s’initie au théâtre no et au chant de l’arbre, l’acteur japonais tente de s’approprier Claudel et le théâtre baroque français.
Un cours où l’humour est bienvenu. Ainsi apprend-on que le « death metal ressemble un peu au théâtre no » et que les chants grégoriens entonnés par un missionnaire japonais faisaient éclater de rire les Japonais, surpris par leur tonalité si aiguë.
Un spectacle intime et magique
Cet enseignement nous est transmis dans le cadre intime et magique d’un rituel religieux. La magnifique création lumière de Claire Gondrexon nous fait passer avec douceur d’une lumière ocre à une lumière plus blanche qui nous accueille dans cette fascinante cérémonie. La « servante », cette lumière qui sert en Europe à éloigner les fantômes des scènes de théâtre, joue également de son halo pour tamiser le jour et projeter l’ombre d’un arbre sur un fond de scène de papier.
L’attention avec laquelle chacun essaie de reproduire le théâtre de l’autre, la précision des gestes et des regards participent de cette atmosphère cérémonielle qui nous invite à accorder une place à l’invisible.
Ces arbres qui parlent deviennent alors les fantômes chassés par la servante autant qu’un pont entre deux cultures. L’Expérience de l’arbre réussit en effet la gageure de comparer deux univers théâtraux sans outrer les différences ni les points communs.
Visuel : Louise Quignon