
Le Misanthrope, bombe moderne au Lucernaire
“Je hais les hommes”. Alceste est dépressif, aigri… Misanthrope. La célèbre pièce de Molière et sans doute la moins futile est ici mise en scène de façon contemporaine par Dimitri Klockenbring, double Lauréat 2010 du Prix Jeunes metteurs en scène du Théâtre 13.
Moderniser Molière est souvent catastrophique, les compagnies tombant dans l’écueil malheureux de la parodie de la langue. Ici le rafraîchissement vient uniquement de la mise en scène. Le texte n’est pas modifié et ce sont les postures des magnifiques comédiens, habillés bobo-plus bourgeois que bohème – qui rendent actuel le propos. Première scène, on découvre un Alceste que l’on imagine bourré, en coulisse d’une soirée où il s’ennuie. Arrière fond techno, il philosophe, bouteille vide à la main, sur la vacuité humaine en compagnie de Philinte. Tout bascule à l’arrivée d’Oronte qui demande à Alceste, connu pour son avis honnête et cinglant de critiquer son nouveau sonnet. Le misanthrope, honnête, descend en flèche l’œuvre tandis que Philinte l’encense. En découle une querelle acerbe qui sera menaçante pour le héros. L’avertissement pèse sur la bande de potes au cœur de laquelle règne la belle amoureuse, tendance infidèle d’Alceste. Il n’y a qu’elle qui perce son cœur et le rend sensible.
La pièce se déroule dans un appartement, sofa tendance Friend’s, où la chaleur règne, balayée par le bruit et les mouvements d’un ventilateur plafonnier, qui en fonction de l’action apporte une lumière différente aux visages. Et puis, il y a le génie de l’esbroufe. Célimène en mode bête de mode, robe verte 80’s, vaste chemise rouge, pantalon feu au plancher, serviette de bain à petits cœurs (vu de loin.. ou alors étaient-ce des petits pois ?). Une scène de grosse teuf dans le salon, stroboscope et ambiance Transpotting. Les mecs sont androgynes, les looks sont pointus. Au cœur de cette mascarade de vie, Alceste est spectateur blasé, le regard bleu de plus en plus vide. Au fur et à mesure, l’innocence de tous s’égare et le réel vient les rattraper par le biais des affaires judicaires poursuivant le désespéré.
Le misanthrope, porté par le formidable Tristan Le Goff, est un être dépressif que rien, sauf peut-être l’amour ne peut sauver. C’est sans compter sur l’égoïsme de ceux qui croient vivre en société. Ce n’est pas par mépris que cet homme-là veut se retirer du monde, c’est par insolubilité structurelle d’être au monde.
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