
Le Journal d’un fou, une pièce étonnante à ne pas manquer !
Très dense, presque étouffante, Le Journal d’un fou, la nouvelle de Nicolas Gogol est un texte saisissant, qui prend le lecteur à la gorge. Une adaptation pour la scène représentait une entreprise risquée. Wally Bajeux, qui met en scène le spectacle, livre ici sa vision, intime et très forte.
Propichkine, anti-héros prisonnier de sa condition de petit fonctionnaire grisâtre, rêve à la belle Sophie, la fille du patron. D’elle, il entr’aperçoit furtivement un petit pied, un chien. Progressivement, la douce illusion bascule dans une folie hallucinée. Or, la folie, l’obsession, obéissent à une mécanique qui n’est pas sans une certaine logique. Le long monologue de Propichkine, sinueux et retors, possède bien une structure, une grammaire, un ton très singuliers. Folie et raison se développent alors, comme d’étranges excroissances malades.
Pour incarner le terne Propichkine, étranglé par ses désirs frustrés, on aurait a priori attendu un acteur au physique banal, entre deux âges. Or, il nous apparaît ici sous les traits d’un jeune homme à la beauté éclatante. La grande réussite de la pièce tient aussi à cette formidable intuition : la folie, le détraquement, peuvent se produire chez n’importe qui. Le contraste entre la beauté de Syrus Shahidi et les angoisses qui le rongent et le déforment frappe avec d’autant plus de force. Syrus Shahidi parvient à nous toucher sans jamais verser dans le surjeu ou les effets faciles : aucune hystérie, aucun tic dans son jeu. Tout en subtilité, il nous parle d’une voix douce, mélodieuse, où la folie perce de manière glaçante. Il donne à la folie de Propichkine une dimension inédite, sensuelle et fluide, tout à fait fascinante.
Syrus Shahidi et Wally Bajeux ont réussi à imprimer au texte de Gogol une vraie force de séduction, très troublante. Il faut aller voir cette pièce, qui vous marquera certainement.