Théâtre

Le charme de Célarié et la malice de Hirsch font merveille dans La Serva amorosa

06 February 2010 | PAR Christophe Candoni

C’est le grand succès de la saison des théâtres privés ! Depuis la rentrée de septembre, La Serva amorosa tient le haut de l’affiche au théâtre Hébertot et ne cesse de réjouir le public qui y vient toujours aussi nombreux. Christophe Lidon monte une des plus plaisantes comédies de l’italien Carlo Goldoni et réunit une distribution excellente. A la tête d’une troupe de jeunes acteurs, tous épatants, Robert Hirsch, Clémentine Célarié et Claire Nadeau forment un trio éblouissant.

 

Ottavio, un vieillard plein de biens a épousé en second mariage Béatrice, mauvaise femme pas aimante, qui est plus intéressée par le testament que par le vieux bonhomme. Elle le persuade de chasser son unique enfant, Florindo, de sa maison pour laisser la voix libre à Lelio, son crétin de fils, et lui assurer son avenir amoureux et son ascension sociale. Coraline, la servante fidèle à Ottavio et dévouée pour Florindo qu’elle aime en secret, met sur pieds un petit stratagème de son invention pour rétablir la justice et révéler la vérité des cœurs. La pièce possède tous les atouts de la comédie classique, l’intrigue badine s’inspire de la Commedia dell’arte et du théâtre de Molière. On retrouve la rébellion des fils sur leur père, les domestiques espiègles qui mènent leur maître au moyen de ruse, les travestissements, les morts feintes…

La mise en scène de Christophe Lidon est classique, en costume d’époque signés Claire Belloc. Le spectacle est très plaisant et le rythme enlevé. Le décor de Catherine Bluwal, élégant et rugueux, tout en bois, fait penser à l’univers balzacien. Astucieusement conçu, il permet de rendre visible tous les lieux de la pièce sans changement de décors. Sur plusieurs niveaux, on découvre le séjour d’Ottavio, celui de Pantalon et en hauteur (on y accède par un étroit escalier en colimaçon qui sera aussi une ruelle pour une autre scène) la petite chambrette avec juste une cage à oiseaux, où vivent chichement Coraline et Florindo renvoyé de la demeure familiale et privé des biens du père.

Claire Nadeau est une divine garce, une peste cynique, une femme vénale forcément jubilatoire. Toute son animosité est exacerbée dans une partie de carte irrésistible avec Robert Hirsch. Manuel Durand joue avec cocasserie son fils, Lelio, un grand benêt dégingandé, les cheveux ébouriffés qui en a plein la bouche quand il dit « maman » et qui s’est amouraché de la fille de Pantalon (Emilie Chesnais) qu’il n’aura pas. Elle sera donnée en mariage au triomphateur Florindo que joue Benjamin Boyer, sensible mais plus effacé.

Clémentine Célarié est la servante au grand cœur avec un naturel évident. Combattante et justicière de cape et d’épée, elle est belle, pétillante, généreuse, pleine de charme et à fleur de peau, l’émotion est vive sur chacune de ses répliques.

Robert Hirsch est un très grand acteur comique, il est d’ailleurs sorti du conservatoire d’art dramatique avec deux prix de comédie. L’ancienne génération se souvient encore de son anthologique Bouzin dans « Le Dindon » à la Comédie-Française dont on serait tenté de trouver aujourd’hui un lien de parenté avec Ottavio tant la richesse du jeu était déjà évidente à l’époque. On retrouve avec joie cet immense acteur en très grande forme, toujours cette voix et cette articulation qui lui sont propres, un jeu souple et hilarant, contrasté aussi : il fait le clown à travers mille enfantillages, trépigne, grimace pour notre plus grand bonheur – ce qui pourrait paraître outrancier est ici le plaisir manifeste et sincère du plateau – puis bascule dans l’effroi lucide. Le regard profond et tendre, l’œil d’Ottavio frise puis s’attriste face à la grande pendule au centre du plateau qui va sonner le glas, métaphore du temps et de ses jours comptés. Hirsch lui a réalisé une performance pleine de vie.

La serva amorosa, du mardi au samedi à 21h00 et le dimanche à 16h00, au Théâtre Hébertot, 78 bis Boulevard des Batignolles, 17 arr. M° Villiers ou Rome. 01 43 87 23 23.

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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