
J’avais un beau ballon rouge : Bohringer père et fille se regardent en chien de faïence par-delà la révolution
Jusqu’au 5 mai, Richard et Romane Bohringer investissent la salle Jean Tardieu du Théâtre du Rond Point avec une pièce de la dramaturge italienne Angela Dematté. Crée à la Manufacture de Nancy et sobrement mais efficacement mise en scène par Michel Didym, “J’avais un beau ballon rouge” dépeint, dans le climat des années de plomb, le mur qui s’est constitué entre deux générations.
Dans la petite ville de Trente, en 1965, la jeune Margareta (Romane Bohringer) défend son droit à faire un doctorat de sociologie. Fille aimante, élevée en catholique, elle surveille ses mots pour ne pas heurter de front son père (Richard Bohringer), petit commerçant croyant et hédoniste, elle garde les socquettes blanches, le fiancé officiel (Renato Curtio, le futur leader des Brigades Rouges!) et les bonnes notes. Mais le démon de la révolution l’a déjà mordue. Une fois les études terminées, elle épouse secrètement le fiancé. Les deux époux déménagent à Milan et lâchent les manifestations et les tracts pour la lutte armée : les Brigades Rouges naissent et séparent le père et la file, qui n’ont plus que la café noir et des dialogues de sourds sur le perron en commun.
Dans la sobriété d’un intérieur années 1960 italien, les Bohringer habitent l’air connu des enfants idéalistes face aux parents pragmatiques, avec toute l’intensité dont ils sont capables. Les yeux brillants, sachant parfaitement incarner le raidissement dogmatique de la révolutionnaire, Romane Bohringer dégage un charisme et une énergie qui tiennent le spectateur en tension. En face, tout en intériorité, son père à la scène, comme à la ville, saisit avec nuance un personnage en quête de bonheur simple. En “vieux con” dont le patois et les idées simples mais puissantes sont parfaitement traduits à chaque geste, Richard Bohringer est, à son habitude, tout simplement grandiose. Un duo père/fille à ne pas manquer.
“J’avais un beau ballon rouge”, de Angela Dematté, mise en scène Michel Didym, avec Romane &Richard Bohringer, durée du spectacle : 1h30.
© Michel Didym