Théâtre

Solness le constructeur, mystérieux face à face de Jacques Weber et Mélanie Doutey

13 September 2010 | PAR Christophe Candoni

Le comédien Jacques Weber fait sa rentrée sur les planches du Théâtre Hébertot dans un rôle écrasant mais magnifique, celui de Solness le constructeur. Au côté de Mélanie Doutey, il est dirigé par le metteur en scène Hans Peter Cloos qui s’est fait une spécialité d’explorer les sombres profondeurs de l’âme et de la conscience humaines en réalisant de grands spectacles sur des textes de Thomas Bernhard (Déjeuner chez Wittgenstein), ou d’Antoine Rault (Le Caïmen). Sa dernière création manque de souffle à cause d’une lecture littérale et de choix d’interprétation trop légers pour la pièce du dramaturge norvégien Ibsen.

La mise en scène est résolument contemporaine et la pièce, écrite en 1892, se trouve plongée dans un univers branché d’aujourd’hui qui fonctionne bien. Le lumineux décor de Jean Haas, composé de structures géométriques blanches, de plans et de maquettes, représente l’atelier de travail de l’architecte. Au fond, l’immense lithographie en noir et blanc d’un haut building est le signe de la grandeur du succès de Solness. Au faîte de sa carrière, celui-ci n’a cessé de construire toute sa vie, de bâtir, d’établir autant de hautes tours que de certitudes tout en se verrouillant de l’intérieur, torturé de ne pas avoir réussi l’essentiel : trouver le bonheur.

Jacques Weber campe un homme profondément aigri, caverneux, avec cynisme et malice. On reconnait son appétit de jeu, il déplace les montages avec sa stature colossale, ses grands éclats de voix, mais fait l’ours jusqu’à la caricature sans toujours penser ce qu’il dit et les passages de délire paraissent forcés ; cette unique couleur conférée au personnage est forcément réductrice. Malgré quelques accents de vérité dans son tourment, l’émotion ne passe pas.

Bousculé par la mystérieuse arrivée de Hilde qui vient réclamer une vieille promesse, l’empire confortable de Solness se fragilise. Après un lent démarrage aux bavardages ennuyeux, Mélanie Doutey entre en scène irradiante et tout à fait crédible dans cette figure ambiguë, destructrice et libératrice, en quête d’imaginaire et d’impossible. Elle possède l’aisance, la jeunesse insolence et la séduction tant redoutées par son interlocuteur car elles font tout vaciller. La première confrontation entre les deux personnages est la meilleure scène.

La suite manque de progression car l’actrice reste figée dans l’archétype de l’« adolescente » qui minaude. Edith Scob tire son épingle du jeu, fine et lunaire, elle exprime avec force le mal être d’Aline, la femme désaimée du constructeur. En revanche, les seconds rôles sont très inégaux. Hans Peter Cloos étonne en voulant tirer le texte d’Ibsen vers la comédie et prend le risque de banaliser le propos. La traduction va également dans ce sens! Il anecdotise le propos complexe (en décrivant par exemple le personnage éponyme en homme « en pleine crise de la cinquantaine ») et limite les possibilités d’interprétations. Le metteur en scène tend à fermer les nombreuses questions que pose la pièce pourtant si énigmatique. On ne sait finalement rien de ce qu’il s’est passé et c’est ce qui rend aussi puissant le texte et nullement anodin.

Solness le constructeur, du mardi au samedi à 21h, matinées le samedi à 17h30 et le dimanche à 16h. Au Théâtre Hébertot. 78bis boulevard des Batignolles Paris 17 arr. M°Rome. 01 43 87 23 23.

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

One thought on “Solness le constructeur, mystérieux face à face de Jacques Weber et Mélanie Doutey”

Commentaire(s)

  • C’est vraiment 100 % théâtre privé… Autant Weber est intéressant, autant Mlle Doutey ne connaît pas les rudiments de son métier ! A part montrer ses jambes et mettre ses seins en avant (elle passe toute la pièce cambrée…), elle ne sait rien faire. Alors, évidemment, elle est mignonne, mais enfin, elle n’est pas la seule, et d’autres ont du talent avec un aussi joli minois !

    September 13, 2010 at 14 h 03 min

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