Théâtre
Hamlet en cinq mises en scène à l’Etoile du Nord

Hamlet en cinq mises en scène à l’Etoile du Nord

04 January 2012 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Depuis le 3 janvier, la compagnie Estrarre occupe le Théâtre du Nord pour une manifestation culturelle qui interroge le geste théâtral. Depuis 2005, le festival “A court de formes” invite une cinquantaine d’artistes pour s’attaquer à des textes ou à des images. Cette année, Shakespeare est à la fête avec un projet phare : un Hamlet, forcement en cinq actes, mis en scène par cinq metteurs en scène différents.

La pièce “Hamlet” se prête facilement au jeu des interprétations et de la scénographie. On résume la plus célèbre œuvre de Shakespeare ? Vraiment ? Ok… Le roi du Danemark, père d’Hamlet meurt. Son oncle, Claudius prend le trône et épouse Gertrude, la mère d’Hamlet. Dès le premier acte, le fantôme du père vient hanter le fils pour lui dire la vérité

Le spectacle fonctionne selon les codes du théâtre contemporain, s’inspirant pour les meilleures propositions de Macaigne ( acte 2) à Chéreau ( acte 5) en passant par Pommerat ( acte 3 ), cinq metteurs en scène se succèdent : Stéphane Auvray-Nauroy, Vincent Brunol, Sophie Mourousi, Michèle Harfaut et Eram Sobhani. Les changements de décor se font sans filet, et le public applaudit à la toute fin. Un seul spectacle, 23 comédiens circulant parmi les rôles et les scènes.

L’exercice tient du zapping, il faut entrer dans un choix pour en ressortir vingt minutes après. Loin d’être fastidieux, l’idée est prenante et fonctionne. On retiendra trois propositions. D’abord l’acte 2, qui révèle le piège théâtral qu’Hamlet souhaite tendre à son oncle, puise ses sources dans Au moins j’aurai laissé un beau cadavre. Les comédiens jouent les travestis, perruques à l’appui. L’ambiance est trashy. A un banquet à la nappe en plastique où les noms sont écris en lettres sanguinolentes, la cour picole. La musique est live, Quentin Degris enchaine les riffs avec ses cordes, et les sons graves avec sa voix. Mathias Robinet campe un Hamlet magistral au cerveau vrillé par les nouvelles toujours plus folles qui lui parviennent. Le travail de Vincent Brunol insiste sur les faux semblants dont la pièce regorge.

L’enchainement avec l’acte 3, si bien mené par Sophie Mourousi se fait naturellement. Pourtant, le style est très différent. Plus chic, plus glam, plus nostalgique. Elle insiste sur les lumières qu’elle travaille comme une photographe et sur les postures. On retient cette “pietà”, Hamlet dans les bras de sa mère (ici Julien Varin) sur l’air déraillé de Si maman si. Les comédiens sont ici admirables, Viktoria Kozlova campe une Ophélie archétypale, si blanche, si exsangue, malmenée dans ces scènes par Hamlet qui l’abandonne. La metteuse en scène se prend au jeu de la “souricière”, scène de théâtre dans le théâtre, offrant les révélations à coup de lampes torches inquisitrices.

On gardera aussi en mémoire le cinquième acte où l’on retrouve Sophie Mourousi, ici en Hamlet, prête à mourir empoisonnée des mains de Laërte embrumé par le suicide de sa sœur. Le plateau sent la terre du cimetière qui est versée par les comédiens. Là où Ophélie sera enterrée, là où Hamlet s’effondrera. La mise en scène insiste sur le texte, les comédiens sont mis en avant sur une petite scène collée au public qu’ils viennent regarder droit dans les yeux. La lumière est belle, le jeu est parfait. Michèle Harfaut, admirable comédienne, éblouit la scène en Gertrude vêtue de rouge, prête à la mort.

L’idée générale qui ressort de ce semi-marathon est celle d’une jolie réussite. Le choix d’Hamlet, pièce aux ressorts psychanalytiques, policiers et politiques sied comme un gant dans ce genre d’exercice. A reproduire.

Visuel : (c) Tristan Gonzalez

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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