![[Francophonies, Bilan] « Les Caribéennes » : lectures sur le fil d’une immobilité tranchante](https://toutelaculture.com/wp-content/uploads/2014/10/image003-1024x683.jpg)
[Francophonies, Bilan] « Les Caribéennes » : lectures sur le fil d’une immobilité tranchante
Le dernier jour des Francophonies, les textes lauréats du prix Beaumarchais/Etc_Caraïbe étaient mis en voix. L’occasion, pour l’auditoire du Bar des auteurs, de plonger dans deux récits de consciences déchirées, considérant leur histoire avec beaucoup d’humour. Des atmosphères singulières et prenantes.
Les Ecritures Théâtrales Contemporaines en Caraïbe et l’association Beaumarchais remettent tous les deux ans des prix à des textes. Deux des lauréats de 2013 voyaient, en cette fin de festival, leurs mots mis en lecture. Tout d’abord, le lauréat d’un Prix spécial du jury : Jean-Durosier Desrivières. Une table, deux comédiens assis, et c’est parti : sa pièce, La Jupe de la rue Gît-le-Coeur, prend forme devant nous. Pas besoin d’un décor écrasant : dans l’histoire que nous conte l’auteur, le personnage principal, écrivain, est bloqué. Il déambule un peu, mais ne va nulle part, et ne le sait que trop bien. Son énergie passe dans le dialogue qu’il a avec une autre voix (incarnée ici par Stéphane Schoukroun). Dont on ne sait trop si elle est réelle… La mise en espace fait sentir la lassitude teintée d’ironie contenue dans l’histoire. Fort bien prise en charge par l’interprète, Marcel Mankita.
Dès lors, le rythme du texte se déploie. Et il entraîne à sa suite. Evoluant entre colère et humour, il aboutit à une rupture de temporalité, qui nous transporte de Paris en Haïti (d’où est originaire J.-D. Desrivières). Pour une longue scène burlesque de suggestion érotique… On y croit, et on ressent tout du long le trouble éprouvé par notre bonhomme.
Puis vient le Prix du meilleur texte francophone. Là, c’est un seul interprète qui fait son entrée. Pour lire Cette guerre que nous n’avons pas faite, de Gaël Octavia. La haute taille et la voix grave de Simon Mauclair vont se mêler excellemment aux mots de la dramaturge.
Il voulait faire la guerre. En Martinique, sans doute. Histoire d’oublier sa chemise Yves Saint Laurent, et tout le reste. Par où commencer ? Par le bar. Pour se fortifier, et s’entraîner aux côtés d’autres camarades. Aujourd’hui, il revient chez sa mère, et parle. Il a essayé, lui. Il n’est pas comme cette mère qui courbe l’échine. Il l’a voulue, la liberté totale. Sauf que… Il a tourné autour. C’est cette boucle que donne à entendre le texte de Gaël Octavia. La dramaturge fait traverser à son héros tous les stades mentaux de la préparation au combat. Mais ce sont d’autres qui se battront… L’écriture se révèle entêtante, car elle aussi teintée d’humour. On sent qu’elle peut à tout instant se dérober, et nous faire basculer dans la tristesse… Le fil sur lequel elle évolue nous tient, encore une fois. Il débouche sur une fin qui ramène le héros, et partant ceux qui l’écoutent, à sa qualité de simple homme. Et à l’importance de celle-ci. Belle conclusion à ces voyages.
Ces mises en espaces étaient dirigées par Catherine Boskowitz. Les deux textes, La Jupe de la rue Gît-le-Cœur – Théâtre comme audience d’un petit roman, de Jean-Durosier Desrivières, et Cette guerre que nous n’avons pas faite, de Gaël Octavia, sont publiés aux éditions Lansman.
Visuels : Danielle Vendé avec Jean-Durosier Desrivières © Christophe Péan
Danielle Vendé avec Gaël Octavia © Christophe Péan
Visuel Une : Stéphane Schoukroun © Christophe Péan