[Festival d’Avignon] Mai, juin, juillet, Avignon face à l’histoire
Convaincus que « le théâtre ne fera pas la révolution mais peut aider à faire la révolution », Christian Schiaretti et Denis Guénoun présentent à l’Opéra-théâtre d’Avignon « Mai, Juin, Juillet » et mettent Avignon face à son histoire insurrectionnelle. Le spectacle à la fois instructif mais longuet trouve une résonance particulière au cœur de cette édition du festival à nouveau bouleversé par des mouvements protestataires.
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« Mai, Juin, Juillet » retrace les trois mois emblématiques de l’année 68 au cours desquels le théâtre est ébranlé par l’insurrection estudiantine et ouvrière. D’abord à Paris, où l’Odéon-théâtre de l’Europe dirigé par Jean-Louis Barrault est assiégé, puis, un mois plus tard, à Villeurbanne où les acteurs de la décentralisation, directeurs de Centres dramatiques et des Maisons de la Culture, se creusent les méninges sur les problèmes rencontrés dans le milieu culturel, enfin en Avignon où Jean Vilar dans la tourmente est accablé par les interdictions et annulations de spectacles.
C’est Christian Schiaretti, l’actuel patron du TNP, qui a passé commande de la pièce au brillant universitaire et homme de théâtre Denis Guénoun. L’auteur évite (parfois de justesse) le cours magistral en apportant à la dimension documentaire de son œuvre un souffle lyrique et à l’occasion facétieux bienvenu. Pour retracer cette grande fresque de l’histoire encore récente du théâtre français, Schiaretti a mobilisé toute sa troupe. C’est le principe de la choralité, peu de personnalités se dégagent du groupe (citons quand même Stanislas Roquette, excellent) mais on sent de beaux tempéraments qui tiennent sans complexe la dragée haute aux plus anciens, Marcel Bozonnet et Robin Renucci dans les rôles mythiques de Barrault et Vilar. La foule de presque cinquante comédiens investit le théâtre, de la scène presque trop étroite aux baignoires et balcons. Souffle alors un vent salutaire de jeunesse, de contestation, dans une première partie parisienne, la meilleure du spectacle. Celles qui suivent restent convaincantes mais perdent en rythme et en énergie. Elles sont très longues, beaucoup trop bavardes et la parole n’est pas toujours suffisamment soutenue par la mise en scène efficace mais assez convenue, un brin scolaire et sans excès de tapage de Schiaretti.
Photo © Christophe Raynaud De Lage