Théâtre
Christelle Harbonn “”Le sel”, c’est un spectacle qui raconte des histoires d’amour malmenées par les injonctions de ceux qui ne savent rien, mais qui ont des principes”

Christelle Harbonn “”Le sel”, c’est un spectacle qui raconte des histoires d’amour malmenées par les injonctions de ceux qui ne savent rien, mais qui ont des principes”

05 July 2022 | PAR David Rofé-Sarfati

Le Sel est une fabuleuse histoire, celle d’Éphraïm Barsheshet, jeune Marocain juif qui aurait fait le voyage entre Marrakech et Jérusalem à dos d’âne. Après la création à la Criée de Marseille, Christelle Harbonn présente sa pièce à la Manufacture pour le festival Off d’Avignon. Tel un fil conducteur dans son travail, une nouvelle fois, la pièce explore le désir et, en creux, la seule question qui vaille, le sens à donner à sa vie. Christelle Harbonn a accepté de répondre à nos questions.

Christelle Harbonn commence ses études en arts du spectacle et en philosophie en 1995 à Aix-en-Provence. En 2002, Christelle arrive à Paris pour finaliser ses études avec un DESS dramaturgie / mise en scène. Elle monte la compagnie Demesten Titip qui se structure en 2008 et dont la majorité des projets est le fruit d’adaptations ou de textes inédits. Elle vit aujourd’hui entre Marseille et Paris et tente de créer des ponts entre les différentes structures et compagnies de ces deux villes.  C’est au sein de La Criée, Théâtre national de Marseille qu’elle a créé trois spectacles En 2016, La gentillesse, création librement inspirée des romans L’Idiot de Dostoïevski et La Conjuration des imbéciles de Toole. En 2019, Épouse-moi, tragédies enfantines, création librement inspirée de L’Éveil du Printemps de Wedekind.  Cette année :  Le sel.

Comment cette pièce a germé en vous ?  Racontez-nous l’histoire de sa création.

Christelle Harbonn : J’aime travailler à partir d’histoires plus ou moins absurdes, et qui appellent à une certaine forme d’onirisme. Il se trouve qu’il y a, dans ma famille juive marocaine, un homme qui aurait fait, à la fin du 19e, un voyage sur un âne de Marrakech à Jérusalem.  Pour différentes raisons, j’avais envie d’entreprendre une reconstitution de cette histoire, sans me poser la question de sa fidélité. Et je me suis amusée à raconter également celle de la personne… qui la reconstituait !
Rapidement, des questions plus politiques s’y sont mêlées. La culture juive marocaine s’évapore au fil du temps. Les familles sont éclatées aux quatre coins du monde. C’est triste, mais j’ai fini par me dire qu’il fallait l’accepter, sans quoi nous recréerions sans cesse et artificiellement des communautés qui n’ont de toute façon pas grand-chose à voir avec ce qui était. Je crois qu’il faut vivre avec ce que nous sommes et ce qu’ils n’étaient pas, s’en réjouir, ou le cas échéant faire avec. 
Voilà d’où est née la pièce. D’une flopée d’émotions très mélangées mises en dialogue avec celles des artistes qui m’ont accompagnée dans ce travail.

Dans chacune de vos pièces, vous parvenez à intriquer le collectif  avec l’intime, c’est un choix ?

Oui, je crois que l’intime ne regarde que moi jusqu’à ce que j’arrive à le partager – c’est-à-dire à en faire le deuil, pour que chacun s’y inscrive avec son histoire, ses questions et ses paradoxes. Nous ne sommes pas si exceptionnels, nos histoires ressemblent toujours un peu à celles des autres. Et tant mieux ! On se sent moins seul (sourire). Ce qui me plaît, c’est de fabriquer pour le public  un puzzle de toutes ces intimités données ; on ne sait plus quoi appartient à qui. Ça appartient au collectif. 

Le sel est votre première pièce où parfois on entend un manifeste défendu en particulier par la voix off d’un père, vous aviez envie cette fois de militer ?

Oui, j’ai parfois envie de militer parce que certains points de vue m’agacent et me blessent. Dans cette pièce, il y a des Juifs, des Arabes, des homosexuels, des enfants, des femmes, enfin, un panel de personnes qui voudraient bien être tranquilles avec ce qu’elles sont et qu’on emmerde continuellement. “Le sel”, c’est un spectacle qui raconte des histoires d’amour malmenées par les injonctions de ceux qui ne savent rien, mais qui ont des principes. Si militer c’est aussi pouvoir dire “même pas mal”, alors oui, je milite. 
 
Du 7 au 26 à la Manufacture Saint-Chamand, relâches les 13 et 20.  13h15. Durée 2 heures, navette compris. 
 
Crédit Photo © Calypso Baquey
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David Rofé-Sarfati
David Rofé-Sarfati est Psychanalyste, membre praticien d'Espace Analytique. Il se passionne pour le théâtre et anime un collectif de psychanalystes autour de l'art dramatique www.LautreScene.org. Il est membre de l'APCTMD, association de la Critique, collège Théâtre.

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