Théâtre
Avignon OFF : Le procès Eichmann à Jérusalem, le devoir de mémoire de Joseph Kessel

Avignon OFF : Le procès Eichmann à Jérusalem, le devoir de mémoire de Joseph Kessel

11 July 2021 | PAR David Rofé-Sarfati

Lors du procès Eichmann à Jérusalem, c’est Joseph Kessel journaliste qui, en 1961, couvre l’événement pour France Soir. À l’exigence journalistique s’ajoute naturellement le devoir de mémoire. Nous avons rendez-vous avec lui par le jeu d’Ivan Morane. Aussi édifiant que passionnant.

Il y a des passages obligés en Avignon, parce qu’il ou elle est une célébrité ou fait le buzz. La petite salle des Halles constitue un de ces lieux sacrés ; dans un décor de chapelle, sur un plateau épuré présentant une table, sa chaise et une cage de verre, la voix du comédien Ivan Morane fait résonner les mots de  Joseph Kessel. Durant une heure, le comédien-journaliste commente le procès d’Eichmann en direct de Jérusalem, capitale du jeune État juif. La cage en verre est transparente et blindée, l’accusé aussi ; il répond aux questions en même temps qu’il n’en dit rien. Son apparente transparence ne dévoile qu’une suite de mensonges et de mauvaise foi. Ce fourbe, qui n’aurait fait qu’obéir aux ordres d’un Hitler seul responsable, nous énerve. Face à lui, l’humanité, la sérénité et le sang-froid du juge Landau sauront déplier la chronologie des faits et des responsabilités de ceux qui ont voulu voir un problème chez le Juif, et une solution par le génocide.

La fraude intellectuelle d’Adolf Eichmann ne résistera pas à l’intensité du propos qui tient autant à la plume factuelle d’un Kessel non dupe qu’au jeu subtil d’Ivan Morane. L’émotion est forte ; souvent elle nous inonde. Nous apprenons beaucoup. À travers les mots de Kessel, et d’un enregistrement audio, nous voyons apparaître le spectre terrifiant de l’accusé dans sa cage en verre, et nous entendons les réponses comme justifications et tentatives de disculpation.

Reste en nous l’indicible de la Shoah et de sa mécanique mortifère noyés dans ce déni appuyé d’un Eichmann qui aurait ainsi pensé échapper à la mort. Le spectacle a cette vertu de ne jamais répondre à la question obsédante du pourquoi. Ivan Morane possède celle de tenir le poste d’un devoir de mémoire mesuré.

Un spectacle incontournable du OFF.

D’après Le procès Eichmann à Jérusalem de Joseph Kessel, adaptation, mise en scène et interprétation : Ivan Morane
Aux Halles, Avignon, Durée 1h20

Crédit Photo © Thomas Bouvard

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David Rofé-Sarfati
David Rofé-Sarfati est Psychanalyste, membre praticien d'Espace Analytique. Il se passionne pour le théâtre et anime un collectif de psychanalystes autour de l'art dramatique www.LautreScene.org. Il est membre de l'APCTMD, association de la Critique, collège Théâtre.

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