Théâtre
Avignon OFF : le collectif ildi ! eldi sample le 11 septembre

Avignon OFF : le collectif ildi ! eldi sample le 11 septembre

17 July 2019 | PAR Elie Petit

Dans le Off d’Avignon, le collectif ildi ! eldi propose une forme innovante, une pièce à micros ouverts pour faire entendre les mots du 11 septembre et ses échos. Un moment sous haute pression qui laisse place à l’émotion et à la réflexion.

Quatre micros, une table, quatre comédiens. Un événement. Un sampler. Une lampe qui tombe du plafond du chapiteau du théâtre des Halles. C’est autour du texte de Michel Vinaver que la compagnie ildi ! eldi a décidé d’expérimenter. Ce texte, peut-être un exemple de ce que peut être l’écriture sans écriture de Kenneth Goldsmith, est une récolte, restructurée, de mots du 11 septembre 2001, des avions, des tours, des auteurs, des victimes.

Les comédiens susurrent des mots, les jettent, les répètent, saturent puis suggèrent. Avec, sans casque, rythmant les mots avec les frappes successives du sampler, ils donnent à entendre ce que confiaient les survivants, ce qu’a été l’enfer de l’évacuation. Mais aussi les morts, dont on entend les appels, les dernières paroles, en l’air, otages. Un monde où les choses qui s’effondrent, ce sont les cours de bourse, pas les tours, un monde où, dans ces tours, certains, nourris à l’optimisme américain ont dit à des évacués de remonter à leurs postes, que tout irait bien. On pense à la remarquable série sonore Calls.

La compagnie via ce dispositif vient donner rythme, donc vie à ces mots. La pièce, écrite comme un ostinato s’écoute comme une partition d’un genre nouveau. Dans les yeux, dans leurs pensées, les 4 comédiens du soir (la distribution composée de Sophie Cattani, Jessie Chapuis, Pablo Jupin, Odja Llorca, Gregoire Monsaingeon, Antoine Oppenheim est tournante) donnent à entendre des témoignages qui permettent d’incarner, d’imaginer des moments, de la tour de contrôle aux escaliers de secours, de l’arrière de l’avion aux derniers préparatifs du crime. De longs silences laissent la place et le temps au spectateur. Pour souffler et pour réfléchir.

Sans relativisme, la pièce permet de redonner de l’horizontalité à l’événement, transformer la tour de contrôle impuissante en table d’incontrôle, propice à l’écoute, entendre les mots des humains qui ont pris part à cette tragédie, descendre de l’altitude face à cet événement dont l’ampleur, dans le meurtre et dans l’ampleur géopolitique ne peut que dépasser. Pour nous, c’est une longue descente puis un atterrissage dans notre époque, dans les conséquences du 11 septembre.

Parfois, les discours se mélangent et même si l’assemblage peut sembler dérangeant, les équivalences discursives pointent des éléments que l’on doit confronter. Il faut saluer le travail sonore d’Oppenheim et Bouaud. En spatialisant le son, par leur travail d’ambiance, ils transforme le chapiteau en avion, en réceptacle d’impacts, en guerre et en silence.

Loin du gadget, le sample de voix comme procédé d’écriture, le sample comme procédé de jeu, sert à assembler le dissemblant, à rythmer ce qui n’était qu’horreur ou paroles effacées par le temps ou la saturation.

 

11 septembre 2011

Interprète(s) : Sophie Cattani, Jessie Chapuis, Pablo Jupin, Odja Llorca, Gregoire Monsaingeon, Antoine Oppenheim

Créateur lumière : Ludovic Bouaud

Créateur son : Benjamin Furbacco

Chargé de diffusion : Olivier Talpaert

Administratrice de production : Nathalie Untersinger

visuels © Dogan Boztas

L’agenda des sorties cinéma du 17 juillet 2019
Avignon Off “On ne dit pas de mal des morts” de Israël Horovitz
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Elie Petit
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