Aux Bouffes du Nord, La Nuit tombe… à plat
Plébiscitée au dernier festival d’Avignon et sur toutelaculture.com (voir la critique d’Amélie Blaustein-Niddam ICI), “La Nuit tombe” du metteur en scène et désormais auteur Guillaume Vincent arrive aux Bouffes du Nord où l’on découvre, à la place du thriller psychanalytique et fantasmagorique attendu, un divertissement inoffensif et factice qui peut amuser en surface mais sans passionner ni bouleverser. Sous ses allures de cauchemar éveillé, la pièce échappe complètement à une réalité autrement plus complexe, violente et dérangeante que l’univers gore fantastique de pacotille qu’elle présente.
Trois histoires aussi minces qu’alambiquées s’entremêlent et leurs protagonistes défilent dans le décor au réalisme vieillot d’une chambre d’hôtel décatie ouverte sur une salle de bain et une entrée sombre. Ce lieu unique et clos devrait être propice aux agissements et comportements étranges propre à susciter l’angoisse et la peur mais celles-ci s’émoussent bien rapidement dans un climat convenu plus étouffant qu’inquiétant. Pour véritablement opérer, il aurait fallu un spectacle moins ficelé et plus à même de jouer sur l’incident, l’accident : point de confusion, de vertige, d’instabilité, de vacillement comme on l’attendait fortement mais un théâtre artificiel qui mise sur l’efficacité de ses effets visuels et sonores plutôt pompiers et les ingrédients classiques du genre revisité. La mort et les fantômes rôdent, les temps se télescopent, sous la menace d’un orage grondeur et d’une tempête de pluie et de neige ou d’un fumigène caché derrière une porte battante ; autant de poudre aux yeux révélatrice d’un travail certes bien réalisé par Guillaume Vincent et son équipe artistique (le scénographe James Brandily et Niko Joubert aux lumières) mais qui privilégie l’habillage au propos, une pratique théâtrale bien française.
On a bien du mal à trouver crédible ce que raconte la pièce. Parce que ses personnages comme son texte manquent déjà d’épaisseur et d’énigme et qu’ils sont encore moins bien défendus par les interprètes au jeu hystérico-déjanté assez souvent ridicule. Aucun moment du spectacle ne nous permet d’accéder en profondeur aux troubles, aux traumatismes, aux abîmes qui habitent les figures mises en scène. Ces méandres de complexité humaine se sont dissous dans une approche à l’esbroufe, théâtrale et simplette des personnages et des situations, juste bonne à faire de la représentation un spectacle de genre.
Photo © Elisabeth Carecchio
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