« Journée de noces chez les Cromagnons » : la première pièce de Wajdi Mouawad au Théâtre de la Tempête
Toujours plus de Wajdi Mouawad ! L’homme à tout faire du théâtre contemporain – dramaturge, metteur en scène, comédien et traducteur – est entre autres à l’honneur au Théâtre de la Tempête. Sa première pièce, écrite alors qu’il n’avait que 24 ans et jamais publiée, se joue jusqu’au 21 février 2010 dans une mise en scène de Mylène Bonnet.

« Mes pièces parlent de la tentative de rester humain dans un contexte inhumain » déclare Wajdi Mouawad. « Journée de noces chez les Cromagnons » n’est pas sans évoquer le « Terre Sainte » de Mohamed Kacimi également présenté au Théâtre de la Tempête la saison dernière : un hommage sous forme de huis-clos à la vie qui reprend le dessus dans les situations les plus tragiques, où les femmes conjurent le sort à travers les tâches quotidiennes, face à la violence des fils et l’absurdité de la guerre.
A proximité d’une maison délabrée éclatent coups de tonnerre et attaques aériennes. Néyif et Nazha, aidés de la voisine et de leur fils cadet, préparent les noces de leur fille Nelly, aussi belle que narcoleptique. Mais le fiancé attendu, baptisé au choix Jean-Paul ou Fernand, a été créé de toutes pièces par la famille afin de tromper l’ennui et rassembler amis et voisins autour d’un banquet, aussi fastidieux fut-il à préparer en temps de guerre.
Dans cette pièce, première pierre de son édifice théâtral, Wajdi Mouawad affirmait déjà ce qui deviendrait sa signature : mise en abîme de la dynamique familiale au sein de l’Histoire, savant dosage entre comédie et drame humain, humour corrosif, humanisme rendant le particulier universel. Plus réaliste cependant que les pièces qui firent plus tard sa célébrité, le dramaturge effleure du bout des doigts seulement la frontière qui sépare ses personnages du fantastique ou de l’imaginaire.
Si Mylène Bonnet réalise une mise en scène honorable qui parvient en particulier à créer avec succès la curiosité autour de la

mystérieuse personnalité de la future mariée, force est de constater que les multiples niveaux de lecture et ramifications d’une pièce de Mouawad ne sont jamais aussi bien mis en relief sur scène que par Mouawad lui-même. De ce fait, la fin de la pièce demeure ici quelque peu nébuleuse, son caractère fantastique, aussi ténu soit-il, restant trop illisible. De même, le personnage du fils aîné, sniper apparaissant dans les dernières scènes de la pièce, semble extérieur à l’histoire, les intentions de la mise en scène et du comédien n’étant pas suffisamment claires pour incorporer cet élément perturbateur qui conduira symboliquement et factuellement la famille à sa perte.
« Journée de noces chez les Cromagnons » offre cependant d’excellents moments grâce à des comédiens investis et soudés – mention spéciale à Philippe Canales, excellent dans le rôle du grand enfant à la fois sensible et désabusé – qui portent l’écriture ciselée de Wajdi Mouawad, dont la poésie ici teintée d’une vulgarité aussi comique qu’inhabituelle, émerveille comme toujours. Mylène Bonnet et le Théâtre de la Tempête offrent ici une belle occasion de découvrir ce texte, éclipsé à tort par les autres grands succès du dramaturge.
Wajdi Mouawad lisant un extrait de “Journée de noces chez les Cromagnons” :
« Journée de noces chez les Cromagnons », du 21 janvier au 21 février 2010, Théâtre de la Tempête, Cartoucherie, Route du Champ de Manœuvre, Paris 12ème – Réservations : 01 43 28 36 36