Comédie musicale
“Room” la nouvelle création de James Thierrée au Théâtre du Châtelet

“Room” la nouvelle création de James Thierrée au Théâtre du Châtelet

25 May 2023 | PAR Lucine Bastard-Rosset

Depuis 20 ans, le Théâtre de la Ville accueille les créations du metteur en scène James Thierrée. C’est dans cette collaboration que s’inscrit la nouvelle pièce, Room, de la Compagnie du Hanneton, présentée du 22 mai au 1er juin au Théâtre du Châtelet. Un spectacle musical où les limites de la création n’existent plus. 

Une mise en scène qui ne s’arrête jamais 

“Si on me demandait ce que je suis allée voir, je répondrais “Laisse tomber”.” Comment résumer un tel spectacle ? une telle fusion des arts ? des genres ? Comment simplifier ce qui ne peut l’être ? Ce foisonnement de situations, de personnages, d’éléments visuels et sonores ? James Thierrée propose un spectacle à la structure et dramaturgie complexes, qui ne se cantonne pas aux règles simples du théâtre ou d’un autre art. Il va plus loin, déstabilisant son public en multipliant tout ce qui peut l’être : la scène devient l’espace mental d’un homme que la raison a quitté, une “room” instable, mouvante et gorgée de vie. 

“J’aime beaucoup tous ces moments calmes, il n’y en n’a pas beaucoup je vous préviens.” Tels sont les mots du personnage principal : un artiste excentrique, un chef d’orchestre à la partition pleine de rebondissements, d’accélérations, de fausses notes et de contre-temps. Room est une pièce qui ne s’arrête pas, une pièce qui se perd dans une PIÈCE bien plus vaste, un tableau sur la création où commencement et fin restent indécelables. Tout y est à modeler, tout se construit et se déconstruit irrémédiablement et la PIÈCE elle-même se démantèle dans un tumulte burlesque et absurde. 

Musique et corps ne font qu’un

Sur scène, ils sont 11 artistes : danseu.r.se.s, musicien.ne.s, chanteu.r.se.s, comédien.ne.s ; chacun  possède sa particularité sans se cantonner à une seule pratique artistique, s’engouffrant dans un jeu où corps et sons expriment toute la profondeur de leur(s) personnage(s). Ils traversent la scène, se figent sur place, répètent en boucle le même mouvement, sans pause, sans respiration. Tous explosent en un chaos mené par l’artiste, celui qui tente de mettre des images sur son imaginaire bien trop archaïque. 

Tous ces artistes articulent leurs talents pour proposer une œuvre qui ne manque pas d’inventivité excentrique. Certains se démarquent cependant par leur prestation telle la danseuse Ching-Ying Chien. Ses mouvements fluides, légers et contorsionnés, son regard perdu dans ses pensées lui confèrent une aura qui la fait se détacher du tableau. Elle se meut dans une souplesse volatile qui la transforme en un être mi-humain mi-animal. La chanteuse lyrique Sarah Manesse, continuellement vêtue de noir, enveloppe les chansons de sa voix, interprétant un personnage aux tonalités rock. Il est impossible de laisser de côté les musiciens, qui habitent la scène de Thierrée pour la première fois. La musique n’est plus seulement un enregistrement sonore, elle fait partie intégrante de l’œuvre. Les guitares, violons, violoncelles, tubas, batteries, etc, se mêlent dans un ensemble de morceaux qui mènent le ballet des êtres et des mots. Nait de cette fusion un corps sonore en constante évolution.

Et puis… il y a James Thierrée, l’artiste déjanté dont le corps démantibulé fait écho à sa folie. Sa prestation est totale, tant sur la durée que dans son interprétation. Il passe de danseur à chanteur, à comédien, à musicien, à voltigeur, sans jamais décroitre en intensité. Sa présence sur scène est quasiment constante et il ne cesse de surprendre. Son jeu déstructuré, ses mots lancés puis répétés, ses gestes saccadés, brisés, confèrent à son personnage toute sa complexité. Il est l’homme à l’origine de cette “room”, le créateur de la petite et grande pièce. 

Une scénographie vivante

La scénographie de Room vit et respire, elle se donne à voir, sans coulisses, sans trucages, elle est mise à nue et on accède à un intérieur organique, à ses entrailles. C’est une pièce de tous les possibles, où concret, abstrait et absurde se rejoignent pour ne faire qu’un. Un lieu qui se gonfle et se gonfle de vie jusqu’à l’explosion… l’implosion ? 

Room nous laisse entrevoir pans de mur immenses et mouvants qui se déplacent, s’agencent les uns par rapport aux autres au fil des corps, des voix, des chansons et des lumières, dans un ballet unique. Il faut se laisser porter par ce tableau qui se crée continuellement devant nous et qui soumet à notre vue ce qui ne peut être dit : une matérialisation de l’espace mental du personnage et de sa folie.

 

James Thierrée propose un spectacle qui fait du chaos son intrigue, qui nous plonge dans le théâtre et la création pure. On est entrainé dans un univers absurde et burlesque qui fait rire tant il déconcerte. Pris à partie, le public se perd dans cette cohue organisée, devenant lui-même acteur en essayant de clarifier ce qu’il perçoit.

Visuel : ©Richard Haughton

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Lucine Bastard-Rosset
Après avoir étudié et pratiqué la danse et le théâtre au lycée, Lucine a réalisé une licence de cinéma à la Sorbonne. Elle s'est tournée vers le journalisme culturel en début d'année 2022. Elle écrit à la fois sur le théâtre, la musique, le cinéma, la danse et les expositions. Contact : [email protected] Actuellement, Lucine réalise un service civique auprès de la compagnie de danse KeatBeck à Paris. Son objectif : transmettre l'art à un public large et varié.

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