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Un Roméo et Juliette surprenant à l’Etoile du Nord

Un Roméo et Juliette surprenant à l’Etoile du Nord

10 July 2011 | PAR Avela Guilloux

Peut-on encore être surpris par l’histoire des 2 amants de Vérone ? Adaptée à toute les sauces, décortiquée dans tous les sens, la pièce de Shakespeare aux scènes vues et revues peut-elle encore nous faire frémir, rire ou pleurer? La mise en scène de Julien Kosellek, en tous cas, relève hautement ledéfi, et nous plonge dans la tourmente des deux familles ennemies, qui sacrifient leurs enfants au terme d’un jeu qui tourne mal.

Sur le plateau de l’Etoile du Nord, un rideau noir est installé, qui révèle une pièce blanche aux allures de studio photo. Amis des décors pseudo-réalistes, passez votre chemin. Ici , ce sont les acteurs qui font le spectacle. Les voilà qui déboulent, bande de joyeux dingues que rien ne semble pouvoir arrêter. Puisqu’on leur interdit de se battre, ils vont mettre en place un piège pour deux des leurs.  Roméo est choisi, qui tombera amoureux de Juliette. La machine est en marche. Ces deux amoureux, au look d’idoles des sixties, vont pendant 2 heures se chercher, s’aimer, se battre, puis mourir. Pour notre plus grand plaisir.

C’est dans un univers étrange que se déroule cette farce. Un plateau vide ( ou presque), des vidéos, des micros, des perruques toutes plus improbables les unes que les autres, des chansons d’amour qui sonnent comme des guimauves, des néons…Fait de bric et de broc, le décor arrive cependant à transporter le spectateur, dans l’univers inquiétant de la rue et de sa violence, dans celui, kitsch à souhait, d’une chambre d’ado, sur la place du village…L’histoire d’amour est universelle, celle de la cruauté aussi. Roméo et Juliette, Sheila et Ringo, Hardy et Dutronc, Kate et Harry, des histoires créées pour nous divertir, exposées pour nous passionner.Qu’a -t-on fait de nos idoles ?  Le spectacle semble porter haut la question, et interroge le rapport à l’image, à l’oisiveté, notre fascination pour l’amour et la mort, ici si proches… Le tout sur une B.O. aux accents de boum d’adolescents qui en fera sourire plus d’un. C’est drôle, cruel à souhait, cynique, sans jamais perdre une magnifique sincérité. Puisqu’elle n’est plus au centre du spectacle, l’histoire d’amour prend ici, paradoxalement, toute la place. On a d’ailleurs rarement vue la fameuse scène du balcon, pourtant si connue et et aux répliques galvaudées, aussi magnifiquement vraie et touchante.

Les comédiens sont parfaits, ils réussissent à respecter le texte de Shakespeare tout en y apportant une formidable modernité. Fiona Emy est déroutante et inquiètante en Mercutio, Stéphane Auvray-Nauroy magnifique en Capulet aux allures de jet-setter sur le retour, masquant une violence terrible et un désespoir insondable, et Tristan Gonzales campe un Roméo rockabilly aux allures de pantin triste particulièrement touchant .Coup de coeur pour la prestation de Sophie Mourousi. Elle est parfaite en Juliette, passant de l’adolescente inerte à la femme amoureuse prête à tout. Elle apporte au rôle une belle ampleur, trop peu souvent vue, et une subtilité de jeu magnifique. La troupe entière joue un peu au funambule, oscillant entre humour, dérision et tragédie. Un jeu d’équilibriste qu’ils contrôlent parfaitement, et au service duquel ils mettent leur formidable énergie.

Un théâtre populaire au plus noble sens du terme. Bravo.

Sortie ciné : Le mur invisible d’Elia Kazan
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Avela Guilloux

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