
“The Dancing Public” : Mette Ingvartsen fait trembler le Grand Palais Ephémère
Vu par la rédaction aux Hivernales et à Charleroi Danse, la performance post-covid de la chorégraphe danoise Mette Ingvartsen propage l’épidémie du mouvement sous la nef du Grand Palais Ephémère dans le Cadre du Festival Paris l’été. A voir à la tombée de la nuit jusqu’au 16 juillet.
Une danse de Saint Guy communicative
Face à la pandémie, la chorégraphe et performeuse Mette Ingvartsen a développé une danse de Saint Guy communicative qui relie la Peste Noire, les hystériques de Charcot et notre temps de pandémie. En arrivant au Grand Palais éphémère, le public est invité à laisser ses affaires au vestiaire. Dans la chaleur du mois de mai, aux lumières de la Tour Eiffel et du 14 juillet qui se prépare au Champs de Mars, nous allons danser. Sauf que le rythme est déjà lancinant et menaçant. Nous suivons le son, la lumière et allons tous comme des mouches vers une aile du Grand Palais. Nous nous voyons les uns les autres, divers, attentifs, prêts à être surpris. Nous scrutons, nous cherchons et elle arrive, short et t-T-shirt noir et chignon haut placé dans sa crinière blonde. Elle danse et parle en même temps : elle décrit chaque membre qui se met en mouvement. Mette Ingvartsen fend la foule et fait danser chacun un à un presque mécaniquement comme un jeu magnétique sur son passage. Elle partage son énergie mais ne vous regarde pas dans les yeux. Il y a quatre promontoires concentrés sur un côté du Grand Palais. Elle en choisit un et là, le discours change, il devient historique, savant. Il y est question d’un mouvement de danse de masse au moment de la peste noire, des jours de masses de corps qui dansent pas loin des cadavres et que les autorités ne savent pas stopper.
Eloge de l’hystérie
Des néons fragmentent les mouvements toujours très énergiques et athlétiques de la danseuse qui tient son heure de défi (quatre soirs de suite c’est un challenge !) dans la chaleur du mois de juillet. Le rythme qui était très régulier s’emballe avec la lumière, l’âtre d’un bûcher rougeoie et Mette Ingvartsen se gratte jusqu’à ce que toutes ses jambes soient rouges. Encore une traversée, le rythme s’apaise, et c’est plus en femme-araignée qu’elle nous accueille sur un autre podium. Là la blancheur des néons joue son rôle, les gestes sont plus lents mais tout aussi convulsifs et le texte change : c’est un moment savant sur les hystériques de Charcot. Encore un aller-retour comme à un défilé de mode triste, où on ne sait pas s’il faut se laisser faire et danser ou s’il faut résister et puis la musique gronde, le mouvement est extrême, entre pole dance et tétanie. S’ensuit un discours paradoxal en français et en anglais sur la dépression. A la fois fière et en demande d’aide, Mette Ingvartsen s’arrête une seule fois pour pendre comme un autoportrait de Francis Bacon. Elle reprend de plus belle dans une transe qui inclut une grande partie du public.
Un (trop?) Grand Palais éphémère
Heureux, à la fois enfin soucieux de se promener plus avant dans ce lieu exceptionnel, le public salue l’immense performance physique de Mette Ingvartsen. La précision est inouïe. Et ce qui marque c’est son visage. Sa mâchoire ayant dansé et vibré et grimacé avec une puissance égale à celle du corps. Et en même temps, alors que les courbes du COVID repartent à la hausse et que la variole rôde, l’exorcisme n’a peut-être pas pu tout à fait fonctionner dans l’espace peut-être pas parfaitement approprié pour la catharsis de cet immense Grand Palais éphémère.
L’on sort néanmoins dans la nuit parisienne, sous les platanes du Champs de Mars, assez marqués par la pulsion de mort et de protestation qu’a porté ce Dancing Public assez inouï. Paris l’été ne fait que commencer ! Le programme complet et fameux est ici.
visuels (c) Pascal Gauzes