En manque, le fou Macaigne crie encore
On trouve “ça” immonde ou génial, au choix, option 2 pour nous, donnons le ton immédiatement. Vincent Macaigne, révélation du festival d’Avignon dernier, revient avec un spectacle encore en construction sur la mélancolie qui s’éloigne fortement du théâtre pour plonger dans la performance.
Le ton monte, “ça” hurle déjà et le trouble commence : est-ce des comédiens ou du public qui là se disputent pour trouver une place ? L’intervention de la charismatique directrice de la Ménagerie de Verre, Marie-Thérèse Allier qui gouaille “Elle a raison Clarisse !” finit de nous faire douter. Le trublion Macaigne a décidé de nous emmener une fois de plus dans son aire de jeu où le romantisme côtoie le viscéral. L’amour pour lui est un jeu de rôle permanent où l’amant puis la victime deviennent bourreaux.
L’espace inégal de la salle : petite jauge et grand plateau permet à Macaigne d’appliquer les traits qui font la personnalité de son travail : un public-acteur, un grand message écrit et du cri insupportable et attirant. Dans une interview qu’il nous accordait en juillet, il définissait sa relation au cri “J’ai un rapport au cri plus compliqué, ce n’est pas du cri, c’est une pensée très forte. Les comédiens le savent, ils le portent. Tous les jours on retravaille cela. On répète avant le spectacle tous les après-midi. Cela est fatiguant. Il faut donner de son cerveau ! C’est comme faire une manifestation tous les jours.” Cette tension est tout à fait présente, ici, dans “En manque”.
Sur cette scène, il y aura des comédiens (Aina Alegre, Rodolphe Poulain, Silvia di Renzo, Raphaël Holt, Sigrid Bouaziz et Tess Vlassov), des figurants et qui voudra. Il y aura une femme recouverte de noir, comme les oiseaux après un choc pétrolier. Elle n’est plus qu’une ombre, elle ne bouge pas alors que la fête éclate, glauque. Il faut éviter de la regarder, elle tache. Sa “maladie ne doit pas se regarder en face. Comment illustrer cet état dépressif ? En nous le faisant ressentir. La difficulté d’avancer et le dénigrement sur joué qui caractérisent cet état-là est transmis au public qui se retrouvera saisi dans une gestion du temps qui s’étire comme l’acte de sombrer en dépression. Elle coule, comme l’eau qui est jetée à grands coups de seaux sur scène.
“En manque” est présenté comme un “laboratoire de création”, classique postulat pour un spectacle présenté dans le cadre du festival Étrange Cargo. Il semble tout de même abouti dans le champ déjà classique de la performance. Il est étonnant de voir Macaigne sortir du texte pour ne garder que l’image et la sensation. Il travaille ici une œuvre totalement impressionniste alors que son Au moins j’aurai laissé un beau cadavre offrait deux pièces en une, absolument figuratives. Avec “En manque», il fige un symptôme de notre société, celle de fermer les yeux sur ceux qui n’avancent pas.
Le spectacle est douloureux autant que captivant. Les images superbes et floues puisent autant dans le travail de Genod que dans celui de Jérôme Bel. On verra des corps danser dans une atmosphère brumeuse. On verra la fumée envahir l’espace et devenir actrice. L’ensemble nous place en état de manque, celui d’une fin radicale, qui ne viendra pas, elle aurait été trop facile. Le metteur en scène laisse au spectateur le soin de remplir sa propre issue du sens qu’il désire.
On découvre un nouveau Macaigne, ici plasticien, rejoignant la grande famille des performeurs. On ne va pas s’en plaindre.
Visuel : En Manque – V Macaigne (c) Raphaël Holt.jpg
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2 thoughts on “En manque, le fou Macaigne crie encore”
Commentaire(s)
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Emma
OUI!
mme sorour macaigne
Théatre de vincent macaigne est le dialogue de l’éthique , c’est la motivation de retrouver la moralté dans nos sociétés d’aujourd’hui dit : civilisée !
Vincent Macaigne nous est précieux.