
Standard idéal à la MC93 : Un explosif Songe par le Teatro Praga
Triomphe mérité hier soir pour une des versions les plus originales qui nous ait été donné de voir du Songe d’une nuit d’été et que l’on doit au détonnant Teatro Praga invité à la MC93 pour le Festival du Standard idéal.
L’idée pour cette création libre et particulièrement inspirée est de joindre la célèbre comédie de Shakespeare à son adaptation lyrique The Fairy queen de Purcell. En confrontant ces chefs-d’œuvre classiques à la vulgarité et la médiocrité crasse d’une sous-culture banalisée par la télévision, la pièce divertit tout en proposant une réflexion sur l’art.
Opéra baroque, théâtre, cabaret, tournage, reality-show, performance, installation contemporaine, on ne saurait classer ce spectacle étonnant et c’est tant mieux car sa forme est audacieuse et multiple. Le résultat est spectaculairement éclaté et festif, bariolé, sexy et déconnant.
Très éloigné des contes de fées et des forêts merveilleuses, les amours contrariées de Hermia, Démétrius, Lysandre et les autres se jouent dans un cadre hyper-contemporain, totalement bling-bling, et s’apparentent à une mièvrerie de télé réalité avec ses moments de confession à l’émotion facile. Quand à la troupe d’acteurs invités à jouer « Pyrame et Thisbé », ce sont quatre jeunes gens totalement décalés et agités qui s’appellent « The End of Irony ».
Il n’y a pas de metteur en scène pour cette production qui mise sur le collectif et l’assemblage des talents dramatiques ou musicaux de chacun. D’un point de vue global, le spectacle se trouve dans la lignée du travail iconoclaste et foutraque d’un Frank Castorf, avec notamment la reprise d’un des procédés habituels du directeur de la Volksbühne qui est celui de projeter sur écran vidéo un film tourné et monté en direct de la prestation des acteurs qui eux jouent dans un endroit non totalement perceptible de la salle. Durant toute la première partie, le public est donc face à un écran et en arrière-scène, les acteurs se trouvent le plus souvent dans la « Green room », une sorte de foyer ou salon avec sofas et tables basses. S’y improvise une petite sauterie au milieu de bouquins, d’alcool et de petits-fours. S’instaure ainsi un jeu autour d’un théâtre qui se casse, se renie et se dévoile en même temps. Les comédiens sont brillants et complices. Un orchestre joue en fosse, l’Os Musicos do Tejo, et ce dès que le public commence à s’installer comme il était d’usage du temps de Purcell. Musicalement, ce n’est pas toujours heureux mais le très attendu “O let me weep” est un beau moment d’émotion. Aussi disparate qu’elle puisse paraître, cette production, aussi débridée que rigoureuse, entraîne et plaît.