Le comte Ory à Metz, prima la musica
L’Opéra de Metz ouvre sa saison avec une nouvelle production du Comte Ory, dans laquelle Patrick Kabongo incarne le truculent héros rossinien, au milieu d’une distribution de belle tenue, emmenée par la direction alerte de Corinna Niemeyer.
Marquant le retour du public dans les salles, avec des contraintes moins fortes, en termes de jauge, comme de technique sur la programmation, l’Opéra-Théâtre de Metz ouvre sa saison de manière festive avec une nouvelle production du Comte Ory de Rossini. Confiée à Sylvie Lavigne, la mise en scène, essentiellement illustrative, s’inscrit dans les gènes d’une maison qui ne recherche pas les relectures plus ou moins avant-gardistes bousculant parfois la littéralité des œuvres qu’elle met à l’affiche, et, avec figurants, acrobates et danseurs par paires, sollicite opportunément les ressources de l’institution. Les décors d’Emmanuelle Favre résument les différents lieux de l’intrigue, polarisés autour des questions de vertus et de religion dans une évocation légère de l’époque des croisades aux consonances sans doute plus proches de l’époque de Rossini, avec quelques accessoires s’essayant à une ludique dérision ça et là peut-être un peu gauche. L’arbre de l’ermite est ainsi un pommier qui rappelle le fruit du péché originel et de la tentation, celle de la chair, fort alerte chez le jeune comte facétieux. Les lumières réglées par Patrick Méeüs animent les éclairs de la tempête qui précipitent les chevaliers déguisés dans l’enceinte du château, tandis que les costumes de Giovanni Fiorentini participent d’une lisibilité dramaturgique qui ne craint pas le premier degré.
Sur cette toile de fond scénographique, l’essentiel reste la musique, remarquablement servie. Dans le rôle-titre, Patrick Kabongo fait valoir une clarté et une souplesse dans la ligne idéales pour le personnage malicieux. Plutôt que la vaillance et la puissance, le ténor français privilégie une émission aérée et lumineuse, parfaitement au diapason d’un caractère de comédie. Le Raimbaud d’Armando Noguero contraste par un chant robuste et nourri, propice à l’humeur gaillarde du complice des frasques d’Ory. Catherine Trottmann imprime à Isolier toute la fraîcheur rusée du page, avec un babil fruité et souriant auquel répond le maintien de Perrine Madoeuf en Comtesse Adèle, balancée entre trouble et pudeur, avec une belle symbiose entre la voix et l’expression. Les qualités théâtrales ne font nullement défaut à Cécile Gallois, Dame Ragonde au mezzo émérite idoine dans ses prudes accents aveugles et effarouchés. Quant au gouverneur campé par Leonardo Galeazzi, il se distingue par une robustesse sans autorité excessive, à l’image de l’indulgence, voire la faiblesse, du précepteur. Préparés par Nathalie Marmeuse, le chœur participe de l’enthousiasme musical, porté par la direction vive et ductile de Corinna Niemayer, au fait de la générosité jubilatoire de Rossini. Une réjouissante ouverture de saison, qui rappelle combien à l’opéra, prima la musica !
Le comte Ory, Rossini, mise en scène : Sylvie Lavigne, Opéra-Théâtre de Metz, du 1er au 5 octobre 2021
Visuels : © Arnaud Hussenot – Opéra-Théâtre Eurométropole de Metz