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Isabelle Druet, Cassandre incandescente

Isabelle Druet, Cassandre incandescente

28 August 2019 | PAR Gilles Charlassier

En cette édition anniversaire, le festival Berlioz réunit une bonne partie du corpus lyrique du compositeur français. Du grand œuvre Les Troyens, est mis à l’affiche la première partie, La prise de Troie, sous la direction de François-Xavier Roth, réservant la seconde, Les Troyens à Carthage pour l’année prochaine.

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Le premier volet de cette épopée, La prise de Troie, est entièrement porté par la figure de Cassandre, prêtresse dont on refuse d’entendre les alertes. Pour sa prise de rôle, Isabelle Druet livre une incarnation incandescente. Le port altier contenant la détresse du personnage, le regard tourné vers le destin posthume de la cité, la mezzo ne cherche pas des ressorts psychologiques que le texte ne donne pas. La puissance vocale, calibrée avec une rare intelligence et colorée avec un saisissant instinct du tragique, soutient l’attention à la justesse des mots et de la narration. A l’évidence, La Cassandre de ces prochaines années, que l’on a hâte de voir fouler les planches dans une production scénique à sa mesure.

Loin de faire de l’ombre à ses partenaires, une telle figure les porte. Thomas Dollié affirme un Chorèbe solide, à l’émission sans lourdeur sentimentale. La ligne consolatrice se mêle harmonieusement aux inquiétudes de sa bien-aimée. Dans ses deux interventions, le rapport paniqué et épouvanté de la mort de Laocoon, et le face-à-face avec le spectre d’Hector, Mirko Roschkowski fait valoir un bel équilibre entre vaillance et lyrisme, magnifié par un prometteur sens du style et une maîtrise de la tessiture qui ne l’est pas moins. Laurent Alvaro assume un Panthée robuste, quand Vincent Le Texier résume l’autorité patriarche d’un Priam dont on devine la vulnérabilité. Du haut d’un balcon du Château Louis XI, le spectre d’Hector de Damien Pass, l’un des barytons-basses incontournables de la nouvelle génération, fait rayonner l’aura prophétique de ses commandements oniriques. Eléonore Pancrazi s’acquitte de la juvénilité homogène d’Ascagne, tandis que Jérôme Boutillier se montre bien concerné dans les menues répliques du chef grec et du soldat troyen qui lui incombent.

François Rougier, en Hélénus, et Isabelle Cals, Hécube, se mêlent, dans un octuor bien étagé, « Châtiment effroyable », aux choeurs – additionnant les effectifs du Choeur de l’Orchestre de Paris et du Choeur Européen Hector Berlioz – soigneusement préparés et à la déclamation d’une précision aussi exemplaire que les solistes. Sous la houlette de François-Xavier Roth, les pupitres du Jeune Orchestre Européen Hector Berlioz font vivre les couleurs et la noblesse d’un partition dont le chef français exalte les ressources et les originalités avec une vigilance salutaire. Indéniablement, on a rendu justice à la mémoire du grand Hector en ce dimanche 25 août.

Gilles Charlassier

Festival Berlioz, Les Troyens I, La Prise de Troie, La Côte-Saint-André, 25 août 2019

©Bruno Moussier

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