Festival de Saint-Céré : La dame blanche de Boieldieu a retrouvé son château
L’orchestre Les Siècles, dirigé par Nicolas Simon (pour une série de quatre représentations) a donné le ton d’une soirée où les chanteurs étaient très inspirés.
La dame blanche de François-Adrien Boieldieu (1775-1834), composée sur un livret d’Eugène Scribe (1791-1861) a longtemps été oubliée. Elle est revenue, depuis quelques années, sur le devant de la scène et la co[opéra]tive, cette association de six scènes nationales bretonnes s’y est intéressée. La mise en scène de cette nouvelle production a été confiée à Louise Vignaud et la direction musicale à Nicolas Simon qui dirige pour l’occasion l’orchestre “Les siècles” dont il est le chef associé depuis 2014.
Une mise en scène dynamique
Louise Vignaud a monté une mise en scène dynamique et sans temps mort qui pousse les solistes et le chœur dans leurs retranchements tout en devant utiliser tous leurs dons de comédiens. Et ça marche ! Si les décors, sobres, mais efficaces, sont idéaux et les costumes assez sympathiques dans l’ensemble, on regrettera que la metteure en scène et son costumier aient affublé Nicolas Simon, le chef d’orchestre, d’un costume rouge et d’espadrilles jaunes bien flashy et ridicules. Malgré ce détail inopportun, le cadre somptueux du château de Castelnau-Bretenoux, situé à quelques kilomètres de Saint-Céré, se prête parfaitement à l’intrigue de La dame blanche, ce fantôme censé veiller sur la famille d’Avenel et son château qui tombe en ruine depuis la fuite du dernier comte et de son épouse. Si Vignaud a eu une excellente idée en poussant ses artistes à s’adresser au public, la réécriture des dialogues n’est pas forcément très heureuse.
Un orchestre au top et un chœur de très belle tenue
Pour cette nouvelle production, la co[opéra]tive a invité l’orchestre Les siècles pour interpréter la partition inventive et pleine de légèreté du chef-d’œuvre de Boieldieu. Si l’orchestre a été fondé en 2000 par François Xavier Roth (qui le dirige depuis cette date), c’est Nicolas Simon, le chef associé de la phalange depuis 2014, qui a tenu la baguette depuis les premières dates de la création de cette nouvelle Dame blanche. La lecture du chef est de très haute volée : tempos et nuances idéaux, accompagnement des solistes et du chœur parfait. Et si le Cortège d’Orphée (Anthony Lo, chef de chœur) n’est représenté que par une petite dizaine d’artistes du chœur, sa préparation en amont des représentations est de très belle tenue. Que se soit pour « Chut, chut … D’ici, voyez ce beau domaine » au premier acte (ou le chœur accompagne Jenny) ou pour la marche des comtes d’Avenel au deuxième acte, la diction est parfaite, la partition interprétée avec talent.
Des solistes très inspirés malgré des imperfections scéniques
La distribution réunie pour cette production estampillée co[opéra]tive est très méritante. Si la diction impeccable de chacun y est pour beaucoup, c’était aussi l’occasion d’apprécier des voix jeunes et prometteuses. Le jeune ténor malgache Sahy Ratia est un George Brown (Julien d’Avenel) séduisant. La voix est encore un peu « verte », mais la tessiture correspond bien à celle, ample et terrible, du rôle. Son interprétation de « Ah quel plaisir d’être soldat » au premier acte et de « Viens gentille dame » dans l’acte suivant passe la rampe sans effort ; et la direction ferme et nerveuse de Nicolas Simon est un soutien précieux. La Anna/Dame blanche de la jeune soprano franco-allemande Caroline Jestaedt est certes convaincante, mais, si elle donne la réplique à Sahy Ratia sans faiblesse, le jeu d’actrice aurait pu être un peu plus nerveux, notamment lorsqu’elle se grime en fantôme (le masque en forme de chouette est une idée excellente). Henri de Vasselot est un Gaveston méchant et retors bien qu’il ait quelques progrès à faire quant à son jeu d’acteur ; mais vocalement, c’est une performance de toute beauté. Le couple Dickson/Jenny, incarné avec talent par Fabien Hyon et Sandrine Buendia est totalement hilarant. Fabien Hyon, sympathique et timoré Dickson, donne une leçon de comédie grandeur nature et Sandrine Buendia, Jenny pleine de vie et autoritaire quand il le faut, interprète les arias de son personnage avec aplomb à commencer par « Chut, chut … D’ici, voyez ce beau domaine » où elle raconte à George, tout juste arrivé chez les Dickson, l’histoire du château et des comtes d’Avenel protégés par la dame blanche depuis des siècles. Madjouline Zerari (Marguerite) et Ronan Airault (Marc Irton) complètent la distribution avec bonheur.
Malgré quelques imperfections sur un plan strictement scénique, c’était là une très belle représentation de La dame blanche, interprétée par une distribution jeune et dynamique. La série, qui s’achevait en ce beau et chaud samedi soir d’août, achevait la tournée de la co[opéra]tive entamée dix-huit mois plus tôt à Rennes.
Le programme du festival de Saint-Céré est ici.
Visuel : © Loran Courrau