
Des “Lettres aux jeunes poétesses” engagées et sororales
Le festival Dire nous a proposé ce samedi une lecture collective d’extraits des Lettres aux jeunes poétesses, avec comme fil conducteur la question suivante : « Qu’auriez-vous envie d’écrire à un.e jeune poète.sse ? » Les autrices Sophie G. Lucas, Lisette Lombé, Milady Renoir, Rim Battal, Rébecca Chaillon nous ont lu pendant une heure leurs propres lettres et quelques autres des vingt-et-une du recueil.
Un art de l’apostrophe
La consigne s’y prêtait : les lettres que nous avons pu entendre font la part belle au genre de l’apostrophe. Une apostrophe à soi-même, avec des souvenirs parfois rudes de l’enfance et de l’adolescence – Milady Renoir ou Rébecca Chaillon –, à sa fille – Lisette Lombé –, à une poétesse plus anonyme – Rim Battal. Mais aussi un refus assumé de se prêter à ce jeu, afin de sortir les poètes femmes du ghetto où les enferme encore le terme de « poétesse » – Sophie G. Lucas.
A la recherche de la légitimité
Toutes ces lettres ont en commun d’interroger la légitimité de tenir un stylo quand on est femme. Tandis que Rim Battal lit un très beau texte de Chloé Delaume, qui égraine les multiples embûches que doit surmonter une femme qui écrit, Lisette Lombé et Rébecca Chaillon s’interrogent sur la double relégation que l’on subit quand, en plus d’être femme, on est racisée. Rim Battal semble, de son côté, résoudre le problème en recourant à l’autorité de précurseuses et « ouvreuses de voie » comme Audre Lorde, Sylvia Plath ou Louise Collet.
Une lecture sororale
Malgré cette unité apparente, notons la diversité des styles, mais surtout des lectures. A côté de voix plutôt douces alternent d’autres, plus rudes, au caractère militant affirmé.
La séance se clôturera par une lecture collective de tout petits extraits de ces Lettres aux jeunes poétesses : les cinq autrices font jaillir à tour de rôle les mots d’autres écrivaines, marquant par ce seul acte la sororité nécessaire à toute lutte féministe.
Visuel : Laure Rousseau