Spectacles
Un week-end au festival Dire

Un week-end au festival Dire

16 January 2022 | PAR Julia Wahl

Après l’incursion au festival ce jeudi de notre collègue Orane Auriau, venue voir Le Parrain IV. Opér’Art Brut, nous voici ce week-end au festival Dire. Il s’agit cette année de la troisième édition de ce festival coorganisé par la Rose des vents et l’association Littérature, etc. Un festival au programme ambitieux : « mettre en lumière les collusions épidermiques entre les mots et les corps ». Un week-end d’écriture, de lecture et de performance.

Arrivée en fin d’après-midi à Lille, direction Wazemmes, un quartier populaire de la ville. C’est au sein de sa principale salle de spectacles, la Maison Folies Wazemmes, que se déroule le festival Dire. Une salle située dans une ancienne filature en brique rouge, mémoire de son histoire ouvrière.

Un samedi féministe intersectionnel

Notre premier rendez-vous commence à 18h : il s’agit de la lecture collective d’extraits des Lettres aux jeunes poétesses, un recueil publié aux éditions de L’Arche en 2021, à l’initiative d’Aurélie Olivier, directrice de Littérature, etc, avec comme fil conducteur la question suivante : « Qu’auriez-vous envie d’écrire à un.e jeune poète.sse ? » Les autrices Sophie G. Lucas, Lisette Lombé, Milady Renoir, Rim Battal, Rébecca Chaillon nous liront pendant une heure leurs propres lettres et quelques autres des vingt-et-une du recueil.

La soirée se poursuit par une scène ouverte orchestrée par Law et Milady Renoir. Une soirée sous le signe de l’écoute et du partage, avec comme mantra : tout le monde peut monter sur scène. Après avoir rappelé la discordance entre le nombre de femmes qui fréquentent des ateliers d’écriture et celles qui osent lire leurs textes en public, les maîtresses de soirée engagent à essayer et à faire de ce moment un espace « safe », où chacun.e peut s’exprimer sans crainte, pour peu qu’aucun propos oppressif ne soit tenu.

On découvre alors des textes souvent âpres, qui mettent en avant l’importance des violences que subissent tous les jours les femmes et la difficulté de les exprimer. Quelques textes sur le travail, aussi, et l’importante part qu’il prend dans nos vies, au risque de les engloutir. Un peu de musique, aussi, et quelques intermèdes sous forme de bibliomancie comme autant de respirations.

Une soirée définitivement sous le signe du partage et de l’échange.

Un dimanche décolonial

Petit détour par le fameux marché de Wazemmes ce dimanche, avant d’aller prendre un thé à la menthe dans le café qui le jouxte.

L’après-midi commencera par un atelier d’écriture de trois heures animé par Milady Renoir, l’une des autrices qui lisait et animait la scène ouverte la veille. Des tables de trois à quatre personnes constituent autant d’espaces où chacun et chacune doit se sentir à l’abri de tout jugement. Des livres, piochés ici et là par les participant.e.s, serviront de supports à la première activité, une bibliomancie à laquelle tout le monde est convié. Les livres seront également convoqués pour la deuxième activité, que Milady Renoir appelle le « braconnage vertueux » : il s’agit, à l’instar des plasticiens qui apprennent à peindre par la copie, de s’emparer de mots ou phrases qui nous plaisent, au gré des lectures, et de les coudre ensemble. L’écrivain.e scrupuleux.se pourra se poser la question de la cohérence, et tenter par ses propres mots de combler les silences de cette étrange cueillette : là n’est toutefois pas le but de l’exercice, qui invite surtout à décomplexer notre rapport à la littérature publiée.

L’exercice suivant reprendra cette logique du colmatage, en proposant à chacun.e de tracer sur une feuille, à plusieurs reprises, les lettres qui forment un même mot, avant de relier ces tracés par des phrases qui les intègrent et marquer ainsi la répétition de l’obsession, à la manière du poète Christophe Tarkos. L’atelier se terminera par la rédaction sur notre rapport aux langues étrangères et la lecture, en petits groupes, des textes de son choix.

Après une interview durant laquelle la même Milady Renoir nous parlera de sa pratique d’autrice, mais aussi d’animatrice d’ateliers et de son rapport à l’édition, nous nous rendrons dans la salle de spectacles de la Maison Folie pour assister au spectacle Carte noire nommée Désir de Rébecca Chaillon. Un spectacle pluriel et choral, qui interroge avec humour et engagement ce que signifie être une femme noire en France aujourd’hui. Une très belle clôture pour la dernière édition de ce festival, définitivement sous le signe de l’engagement.

Visuel : bandeau du festival

La playlist 22, v’là l’hiver
Des “Lettres aux jeunes poétesses” engagées et sororales
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Julia Wahl
Passionnée de cinéma et de théâtre depuis toujours, Julia Wahl est critique pour les magazines Format court et Toute la culture. Elle parcourt volontiers la France à la recherche de pépites insoupçonnées et, quand il lui reste un peu de temps, lit et écrit des romans aux personnages improbables. Photo : Marie-Pauline Mollaret

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