
“Weather” de Lucy Guérin : les variations climatiques des corps
Chorégraphe contemporaine australienne, Lucy Guérin était invitée pour la première fois en France par le Théâtre de la Ville. À cette occasion, sa pièce Weather a été adaptée pour le jeune public, sous le titre Microclimat (2015).
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Face au public, la scène silencieuse attend, plongée dans l’obscurité, à l’exception de cette installation immaculée au plafond : de douces crêtes blanches évanescentes, que nous devinons être autant de sacs en plastique. Cuex-là même qui jonchent le fond des océans, dit-on. La pièce de Lucy Guérin est à l’image de ce décor : alors que nous tendons le dos, face à un sujet porteur de menaces écrasantes, nous comprenons dès l’entrée en scène du premier danseur que le travail de la chorégraphe se situe ailleurs, dans une exploration minutieuse des terrains d’intersection entre nos états d’âme et nos mouvements. À mesure que s’amplifie le tourbillon qui anime le danseur, nous nous demandons à quels tourments intérieurs ils répondent.
Puis il laisse place au duo sans doute le plus intense de la pièce : un homme et une femme semblent enrouler et dérouler un fil invisible autour d’eux, s’affrontent, se doublent, s’esquivent et multiplient les voltes : si l’on sent tout le travail d’improvisation en amont, le résultat impressionne de maîtrise, de contrôle. L’ombre de Anna Halprin et de ses “tâches” plane sur l’ensemble. Le public retient son souffle. Un peu plus tard, les sacs suspendus tombent sur la scène, pour un spectacle des plus aériens, le bruissement du plastique venant apporter une dimension auditive à la scène.
Six danseurs se partagent maintenant les rôles, jouant de l’unisson comme du chaos, multipliant contacts et frictions, telles de fragiles phalènes livrées à leur sort éphémère. Faisant balai de leurs corps, ils jouent avec cet accessoire insolite. Le climat s’est réchauffé, les sacs sont maîtrisés et les maillots de corps semblent peser soudain sur les corps.
La version pour enfants, édulcorée et allégée, promet de les émerveiller et d’amener des interrogations sur l’état de leur corps dans un environnement donné.
“Nos corps existent à l’intérieur d’un écosystème plus vaste, ils font partie d’un tout. Ainsi, nous sommes affectés par notre environnement et nos actions ont des répercussions sur son équilibre.“, Lucy Guérin.
Visuels : © Heidrun Lohr