
Un hommage kinesthésique à Mié Coquempot pour clore Faits d’Hiver en toute liberté
16 février. Qui aurait pu imaginer, le jour de l’ouverture du festival Faits d’Hiver le 17 janvier dernier, que ça finirait comme ça ? En spectacle participatif où, après, tout le monde se retrouve au bar de Micadanses, debout ? Il ne pouvait pas y avoir meilleur hommage à la danseuse et chorégraphe Mié Coquempot, décédée en 2019 d’un cancer à 48 ans.
Deux soli pour comprendre
Les clôtures de Faits d’Hiver sont de tradition toujours très festives. On se souvient de la scène transformée en immense dance floor après le Blitz très réussi de Thomas Lebrun. Et nous nous demandions comment concilier hommage et joie pour cette édition. La solution s’est trouvée en 4 temps : un solo, un autre solo, une première partie d’un spectacle comme un jeu et une seconde partie encore plus participative.
Tout commence avec An H to B, dansé par Alexandra Damasse. Huit minutes d’une beauté folle, néo-classique et moderne. Elle arrive comme un ange, tunique et pantalon souples. Et là, ce ne sont que des gestes libres, Mié disait « en rubato ». Le geste ressemble à du Forsythe, et cela est logique. Mié Coquempot dansait en 1996 dans Hypothetical Stream sur une invitation de Daniel Larrieu. En amont, le chorégraphe américain avait transmis à la compagnie des vidéos pour qu’elle s’imprègne de son identité. Ce solo, An H to B, est donc fondateur du geste de la danseuse devenue chorégraphe. Les lignes sont courbes, les poignets tournent et retournent pour être des appuis suspendus. C’est une leçon de souffle du corps qui nous envahit. Le second solo, transmis par Cédric Andrieu, l’actuel directeur du Conservatoire National de Danse, à Jazz Barbé, est dans la ligne directe du précédent. Sur une musique de Ryoji Ikeda, des carrés de lumière dessinent l’espace de représentation. Contrairement à la danse d’Alexandra, celle de Jazz se place au sol, mais toujours avec cette idée de transition ultra légère, douce. Dans ce second solo, Nothing But, nous commençons à comprendre l’idée d’aléatoire propre à l’écriture de Mié Coquempot. Nous sommes dans le cœur des années 1990, dans une danse à la mécanique démontée mais sans brutalité.
Ready ?
Une fois compris cela, que le travail de Mié était un mix de néo-classique et de concepts très contemporains, l’idée d’un jeu devient évidente. Après un changement de plateau qui donne des paillettes à l’espace de Micadanses, Alexandra Damasse et Jazz Barbé ont été rejoints par Agnès Coutard, Leïla Gaudin et Coco Leflohic (en MC). Aux platines et à la clarinette, Maï Mismetti attend que les règles du J.A.M Jig & Mix soient énoncées.
Tous et toutes sont vêtus de fringues à paillettes qui claquent bien. Le MC en bottines à talon explique qu’il y aura deux manches, une qui concerne les danseurs ensemble et une autre tous ensemble. Trois cartes sont tirées : « Temps-Espace-Corrélation », plus une carte qui donne le nombre de minutes à danser. Une fois les cartes tirées par une main super innocente, le jeu peut commencer, c’est-à-dire que l’improvisation peut commencer. Pour vous donner un exemple, sur la première manche les danseur·euses doivent se lancer sur : « contour », « fictif » et « mélange ». Au-delà du côté très fun de l’expérience, qui est par essence aléatoire, le procédé interroge l’écoute des corps et la transmission implicite. En deuxième manche, le public est invité à jouer, et comme à Faits d’Hiver le public est composé de nombreux interprètes, cela a montré que l’écoute fonctionne même quand les artistes n’ont jamais dansé ensemble. C’est l’occasion de voir les identités corporelles de chacun, les belles doses de folie aussi. Il ne s’agit pas d’apporter une nouvelle écriture mais de voir ce qu’une danse libre contrainte par un jeu fait au mouvement. Cela le rend cohérent, dans des classiques propositions de lignes, de sols, de groupe. Alexandra commence par un mouvement frénétique, Leïla se déplace le long d’un mur, Agnès trace des diagonales précises, Jazz s’amuse à pédaler. Tout cela donne une idée de qui était Mié Coquempot. La compagnie K622 continue, elle, à exister, dans une volonté de rester vivante évidente.
Visuel : ©K622