
Le Syndrome de l’Initié, le nouveau spectacle de Bintou Dembélé
La chorégraphe et danseuse de breakdance Bintou Dembélé présentait le week-end dernier sa toute nouvelle création à la Maison Daniel-Féry. Avec Le Syndrome de l’initié, – qui avait pour premier titre “Les damné.e.s de la terre”, inspiré de Franz Fanon –, les danseurs de la compagnie Ritualité Bintou Dembélé ont emmené le public à les suivre dans leur quête initiatique.
Pour sa troisième pièce, après S/T/R/A/T/E/S qui nous avait enthousiasmés à Avignon en 2016, et Z.H. en 2014, Bintou Dembélé poursuit son travail sur la quête d’identité, la mémoire et l’histoire. D’une danse très engagée, elle est passée à quelque chose de radicalement poétique. Sur la scène, tout d’abord plongée dans l’obscurité, plusieurs sources de lumière commencent à s’animer dans un décor très sobre, avec seulement un lointain noir. Suspendues ou bien manipulées tels des cerceaux par les danseurs, elles jouent un rôle important tout au long du spectacle. Virevoltantes autour des deux danseurs Cintia Golitin et Michel Onomo et de la chanteuse et danseuse Charlène Andjembé en contre-jour, elles créent une atmosphère particulière, pleine de mystère. Le public a le sentiment d’assister à une cérémonie dont le sens serait intrinsèquement sibyllin, qui ne pourrait être expliqué, à moins d’être initié… Jouant d’une temporalité et d’un rythme comme toujours très maîtrisés, la chorégraphe nous emmène dans les territoires de l’intime et de l’introspection. Quelle est donc cette lumière qui tourne en orbite autour de chaque individu? Un halo qui représenterait son âme, qui symboliserait sa quête de sens ?
Toujours est-il que ce beau spectacle intégré à la programmation de la Maison de la musique à Nanterre pour deux dates (d’autres dates devraient suivre pour une tournée) nous a emportés. La musique, alternant entre guitare rock et chants issus du répertoire du bouladjèl (polyphonie rythmique qui accompagne les léwoz, veillées traditionnelles de la Guadeloupe) donnait toute sa texture à la gestuelle puissante des danseurs. Bintou Dembélé, avec sa compagnie Ritualité créée en 2002, démontre encore une fois son talent pour donner à voir l’indicible, ce qui se cache et ce qui se pleure. Les spectateurs s’imaginent conviés à un rituel hors du temps, une liturgie clandestine qui rappelle celles qui s’organisaient dans les forêts par les esclaves résistants des Caraïbes. Dans les ténèbres, nous est révélée l’existence de la lumière que chacun porte en soi. Une flamme qui nous anime et qui prendrait racine dans ce passé de lutte et de révolte contre la domination et contre tout ce qui nous entrave dans la quête de soi.
Visuel : © Cie Ritualité