
Skatepark, le ready-made de Mette Ingvartsen à la Villette
La grande salle de Chaillot étant en travaux, sa programmation, comme celle du Théâtre de ville, également en travaux, est accueillie dans la Grande Halle de la Villette. Il fallait au moins cet espace pour accueillir le show de la bouillonnante chorégraphe : un skatepark à taille réelle et vingt interprètes à roulettes qui s’y éclatent. Fun, mais un peu bancal.
Est-ce que rouler c’est danser ?
A cette question, on répond grandement oui. On peut même ajouter que ce n’est pas neuf. Piotr Kaminski, dans Mille et un opéras (Fayard, 2005) rapporte qu’en 1849, des danseurs montés sur des patins à roulettes ont défrayé la chronique dans l’opéra de Meyerbeer (Le Prophète) au théâtre de la nation à Paris. Plus près de nous, en 1999, Bianca Li avait créé Macadam Macadam avec des hip-hopeurs à Suresnes. S’y mêlait danse hip-hop, skate, vélo acrobatique et comédie musicale. Plus récemment, en 2022, Catarina Miranda, au Centre Pompidou, faisait du roller un art chic et précis. Nous voici donc en 2023, mais cela fait plusieurs années que Mette Ingvartsen travaille à cette grande forme. Cette chorégraphe est passionnante. On se souvient de ses travaux très hot hot sur l’érotisme ou de sa folle communion techno dans The Dancing Public. Cette fois-ci elle décadre encore un peu plus le champ lexical de la danse.
Duchamp appliqué aux arts urbains
Concrètement, la pièce est un ready-made. Les danseurs et danseuses Damien Delsaux, Manuel Faust, Aline Boas, Mary-Isabelle Laroche, Sam Gelis, Fouad Nafili, Júlia Rúbies Subirós, Thomas Bîrzan, Briek Neuckermans, Indreas Kifleyesus, Arthur Vannes, Camille Gecchele, Mathias Thiers et les skateurs et skateuses locaux Laurène Begaud, Christopher Cafournet, Antonin Malartic, Aurèle Robquin, Garance Tassin Mostini, Vincent Szewczyk patinent, glissent et roulent. La plupart sont sur planche, deux filles sont en rollers. Toutes et tous s’amusent sans grande direction. On sent évidemment qu’il y a un cadre mais il est très souple. L’écriture chorégraphique leur impose parfois de disparaître, de se mettre en ligne ou en cercle. A regarder c’est très sympa, surtout que la musique est démente entre grosse techno et punk qui tache. Mais, malheureusement, la pièce souffre d’un problème de rythme. Son reveal politique arrive trop tard, même s’ il est parfait. Il faut un temps bien trop long pour accéder à un mouvement engagé.
Dans son esthétique et sa proposition, ce Skatepark est finalement l’une des pièces les moins fortes de la grande Mette. Elle n’est pas si neuve dans sa proposition et dans son esthétique, elle rappelle trop les travaux de Miet Warlop et ceux de La Horde. Reste un moment très sympathique où la grâce et la danse se nichent ailleurs, fort de moments superbes comme celui où une danseuse danse un casque sur les oreilles, tout en haut du décor, les pieds libres mais pourtant vissés au sol, et le buste et les bras en transe.
Chaillot Nomade à la Villette, du 9 au 14 mai 2023. Informations et réservations.
Visuel : ©Bea Borgers