Danse
Paula Comitre enfonce le clou du spectacle flamenco

Paula Comitre enfonce le clou du spectacle flamenco

07 February 2022 | PAR Antoine Couder

Invitée en première mondiale pour la cinquième biennale d’art flamenco du Théâtre national de Chaillot du 3 au 18 février, la jeune chorégraphe joue avec des dispositifs contemporains pour bousculer et raffermir encore son Movimiento.

Un plancher en bois enfin, et puis un long drap qui recouvre les corps. « Alegorias », le nouveau spectacle de l’étoile montante du flamenco, interroge sans doute sur les limites de ce que l’on voit, et de la façon d’en conserver l’essentiel. « La limite et sa carte » qui sous-titre la pièce dit un peu de cette scénographie du débordement et de la retenue. Rien pourtant n’empêchera de battre l’éventail (même le petit programme distribué au public en épouse les formes) ni aux doigts de bouger, ni au pied de taper le plancher. Flamenco sous le flamenco, flamenco hybridé aux danses contemporaines, quasi-urbaine qui jaillit, nourrit et pimente … Comme on dit souvent, ce sont dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes.

La danse est électrique, jamais narcissique, elle crépite dans des scénographies qui s’emballent tel ce moment où la peau tendue d’un instrument à percussion est soudainement placée sur le visage d’une interprète alors piégée par la frappe lourde et masculine du batteur Rafael Moises Heredia. Tout n’est pas toujours rose au pays du flamenco, à vrai dire on est ici dans le clair-obscur, même si la lumière, très blanche, apporte une intensité incroyable aux gestes des deux danseuses et à la guitare complexe et lyrique de Juan Campallo.

Paula Comitre chemine ici avec Lorena Nagal qui ajoute à la pulsion du flamenco son art concis et contemporain, rapporté de la compagnie IT Dansa et du collectif La Veronal. Pas une minute de répit dans cette pièce d’environ une heure qui alimente joliment son flux avec une grammaire typique des pieds et des mains ré-agencé, comprimés, enfin explosifs qui nourrissent l’aventure chantée par Tomas de Perrate poussant les danseuses vers un medley de musique latine, cubaine, mais parfois grecque, faisant du flamenco une sorte d’étendard, de porte-voix à cette énergie de la culture populaire. De ce mélange des genres, cette façon de noyer les catégories strictes dans les « alegorias » , on ne voit guère les boutures tant le résultat est souvent magnifique de précision, préparant une lente montée en puissance qui se matérialisera au bout du voyage, autour du groupe de musiciens et de danseuses formant ce collectif rêvé, allègre et égalitaire qui relève sans doute davantage de l’allégorie que de la réalité. Mais n’est-ce pas la fonction même du spectacle, tirer vers le haut ce qui fait l’énergie d’une danse populaire inscrite au patrimoine de l’humanité ?

Production Paula Comitre/ Arte y Movimiento Producciones SL. Coproduction Chailot- Théâtre national de la danse/ Biennale de Flamenco de Seville/ agenzia Andaluza Instituciones culturales Junta de Andalucia. Remerciements : factoria Cultural y Centro san Miguel. Avec le soutien de la biennale de Flamenco de Seville.

 Photo / © Ivan Alcazar

 

 

 

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Antoine Couder
Antoine Couder a publié « Fantômes de la renommée (Ghosts of Fame) », sélectionné pour le prix de la Brasserie Barbès 2018 et "Rock'n roll animal", un roman édité aux éditions de l'Harmattan en 2022. Auteur d'une biographie de Jacques Higelin ("Devenir autre", édition du Castor Astral), il est également producteur de documentaires pour la radio (France culture, RFI).

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